Allemagne : un an après la loi autorisant la circoncision, où en est-on ?

Le 12 décembre 2012, l’Allemagne légalisait la circoncision imposée aux jeunes garçons, et ce quel qu’en soit le motif. Cette loi, promulguée en un temps record, faisait suite au débat qui avait éclaté dans le pays, après le procès d’un médecin en mai 2012 pour une circoncision ratée. Il s’agissait de garantir rapidement une “sécurité juridique“ pour les personnes effectuant des circoncisions d’enfants à but non thérapeutique.

Rappel du contenu de la loi :

L’autorité parentale s’étend également au droit de consentir à une circoncision médicalement non nécessaire d’un enfant de sexe masculin, à condition que celle-ci soit exécutée dans les règles de l’art médical. Ceci ne vaut pas si le bien-être de l’enfant est mis en danger.

Dans les 6 premiers mois suivant la naissance de l’enfant, une personne prévue à cet effet par la communauté religieuse, ayant suivi une formation particulière sans cependant être médecin, peut pratiquer cette intervention, si elle possède une qualification équivalente.

Hier, à l’occasion du premier anniversaire de la loi, une conférence de presse a été organisée par l’association pour la défense de l’intégrité génitale MOGiS e.V.. Elle s’est déroulée à Berlin, dans le bâtiment officiel où se tiennent les conférences de presse du gouvernement allemand.

Les intervenants sur le podium ont unanimement critiqués l’inapplicabilité du paragraphe 1631d, autant en ce qui concerne le respect des règles de l’art médical (environnement stérile, anesthésie appropriée) qu’en ce qui concerne l’autorisation de personnes n’ayant aucun diplôme médical à pratiquer cette opération chirurgicale.

L’association MOGiS e.V. a indiqué que les urologues manquent bien souvent de la sensibilité nécessaire face à des hommes atteints par leur circoncision. Victor Schiering déclare qu’il est indispensable d’identifier les raisons pour lesquelles le taux de circoncision médicale est beaucoup plus élevé en Allemagne que dans les pays nordiques. Il dénonce, derrière cette obsession de la rétractibilité du prépuce chez les jeunes garçons, une “pathologisation” d’un état de santé normal. Les connaissances sur le développement naturel du prépuce semblent être ignorées. Il ajoute que la société a trop longtemps détourné le regard face à ce problème.

Dans la même veine, l’association Pro Familia demande la reconnaissance des hommes sujets à des problèmes sexuels ou psychiques suite à leur circoncision comme un groupe de patients à part entière.

L’Association Professionnelle des Pédiatres (Berufsverband der Kinder- und Jugendärzte e. V., BVKJ) a souligné l’impossibilité d’effectuer une anesthésie efficace lors d’une circoncision néonatale. La crème EMLA, qui a servi d’alibi pour faire voter la loi en 2012, s’est avérée inefficace sur les enfants de moins de 12 ans. Le docteur Ulrich Fegeler a évoqué le droit à l’intégrité physique, mais également la Convention des droits de l’homme des Nations Unies, mise à mal par la loi de 2012. Certaines pratiques orthodoxes (notamment la Metzitzah B’Peh) ne sont pas compatibles avec l’éthique médicale.

La présidente de Terre des Femmes, Irmingard Schewe-Gerigk, a souligné les parallèles avec la discussion qui a eu lieu dans les années 1990 à propos des  mutilations génitales féminines. Dans ce cas également, il a fallu plusieurs années avant que le problème ne soit pris en considération par la société. Schewe-Gerigk se montre optimiste sur le fait que la circoncision masculine ne mettra pas aussi longtemps à être interdite.

L’Académie des Pédiatres (Deutsche Akademie für Kinder- und Jugendmedizin, DAKJ) a recensé le nombre de complications résultant d’une circoncision effectuée dans l’année écoulée (2012). Cinq-cents médecins ont recensé 2000 complications dont 1200 infections (50 % d’infections locales et 50 % d’infections “qui ont impacté sur la santé du patient de façon préjudiciable”).

Selon le professeur Manfred Gahr, secrétaire général de l’académie, toutes les organisations membres du DAKJ rejettent la circoncision non médicalement justifiée.

Il déclare que la loi n’a pas amélioré la situation des garçons, quel que soit leur âge. Plus un enfant est jeune, plus les difficultés techniques et le taux de complications sont élevés (au minimum 6 %). Les circonciseurs n’ayant aucun diplôme médical ne sont pas autorisés à pratiquer une anesthésie, qu’elle soit générale ou locale. Par conséquent, les circoncisions néonatales pratiquées en Allemagne le sont sans aucune suppression de la douleur.

« Lorsque l’on s’imagine une opération d’appendicite sur un adulte sans anesthésie, on se rend compte combien cette manière de procéder est problématique », explique Gahr. « Les avantages de la circoncision soutenus par ses partisans ne sont nullement prouvés et ne sont pas pertinents pour des pays développés », a-t-il ajouté.

Depuis la promulgation de la loi, l’utilisation de la crème anesthésiante EMLA (souvent évoquée comme étant la solution contre la douleur lors des circoncisions) a été déclarée contraire à l’éthique dans le cas de la circoncision par l’EMA (European Medicines Agency).

De nombreux pénalistes de renom ont émis des doutes sur la constitutionnalité de cette loi. Les organisations en présence ont invité à une poursuite des débats publiques.

Par Guy Sinden, Beschneidung von Jungen

Sources : hpd.de, DW.de, bvkj

Complément vidéo : manifestation à Berlin pour dénoncer la loi :