Circoncision : parents en désaccord, le cas d’une bataille juridique

Un père divorcé se convertit au judaïsme et veut que son enfant de 9 ans soit circoncis. La mère refuse catégoriquement. Que faire ?

Par Vicki Glembocki sur rd.com, février 2010

Lia Boldt n’arrivait pas à croire ce que son fils lui disait : son père allait l’emmener chez un médecin le lendemain, pour le faire circoncire.

Elle savait que son ex-mari, James Boldt, s’était récemment converti au judaïsme. Elle savait aussi que leur fils de 9 ans, élevé dans la religion orthodoxe russe, avait suivi des cours au sein de la synagogue de Lacey à Washington, où il vivait avec son père qui avait la garde. Elle savait même que son fils pourrait être circoncis s’il se convertissait lui aussi, puisque la circoncision est traditionnellement obligatoire pour les hommes juifs.

Mais ce que Lia ne savait pas (et qu’elle dit avoir appris pour la première fois en mai 2004) c’est que son fils ne voulait pas être circoncis et qu’il avait peur de le dire à son père. Elle devait donc agir vite.

Empêcher la circoncision

Le jour suivant, elle déposa une ordonnance de protection temporaire contre son ex-mari afin d’empêcher la circoncision. La demande fût acceptée, elle déposa alors une motion pour définitivement empêcher James de circoncire leur fils et une autre pour que la garde de l’enfant lui soit attribuée.

Elle avait déjà demandé un changement de garde auparavant, mais cette fois-ci la demande allait être transmise devant la Cour Suprême de l’Oregon, l’État où elle vivait.

Depuis leur divorce en 1999, lorsque leur fils avait quatre ans, les Boldt s’étaient battus pour en obtenir la garde. Celle-ci fut tout d’abord attribuée à Lia. Puis, en 2002, la Cour donna l’entière garde à James parce qu’il fut déterminé que l’attitude de Lia envers James tournait le garçon contre son père. L’appel de Lia était toujours en suspens quand elle déposa sa requête pour empêcher la circoncision.

James, affirmant que son fils voulait la procédure, déposa une attestation du médecin du garçon afin de soutenir sa requête. James avança aussi que l’empêcher de faire circoncire son fils violait ses propres droits religieux.

Le tribunal rappela que les décisions concernant les opérations chirurgicales appartenaient au parent ayant la garde, dans ce cas James Boldt. Cependant, le tribunal interdit la circoncision jusqu’à ce que l’appel formé par la mère sur le droit de garde soit jugé.

Lia n’était pas satisfaite. Elle estimait que la procédure pourrait avoir des conséquences « graves et radicales », à la fois physiquement et émotionnellement. Elle fit donc appel une nouvelle fois et l’affaire fût portée devant la Cour suprême en novembre 2007. Cette fois-ci, le père comme la mère avaient amené des renforts.

Le procès

James arriva au tribunal avec des représentants de l’American Jewish Congress, de l’Anti-Defamation League et de l’Union of Orthodox Jewish Congregations of America. Leur dossier argumentait qu’un parent ne pouvait pas perdre la garde seulement parce qu’il avait décidé de faire circoncire son enfant pour des raisons religieuses, mais également que le parent qui a la garde est en fait tenu de prendre les décisions médicales et religieuses pour l’enfant.

« La décision du père ne peut pas être remise en cause simplement parce que cela ne plaît pas à la mère », dit Steve Freeman, directeur des affaires légales pour l’Anti-Defamation League, « Cela bouleverserait le système de garde dans notre pays, un système stable et ancien. »

D’après lui, si Lia Boldt recevait la garde sur ces allégations, les tribunaux seraient bientôt débordés par des batailles juridiques quand il s’agirait de faire percer les oreilles ou retirer les amygdales des enfants.

Mais qu’en est-il du garçon ? Le dossier de Lia était appuyé par l’organisation Doctors Opposing Circumcision, qui argua que les droits religieux de son ex-mari ne devaient pas outrepasser les droits inaliénables de l’enfant.

« La Cour suprême a déjà déclaré que les parents ne peuvent utiliser leurs convictions religieuses pour mettre en danger ou faire souffrir un enfant », dit John Geisheker, directeur exécutif du groupe, qui a ajouté que la circoncision devait patienter jusqu’à ce que le garçon atteigne ses 18 ans et puisse choisir par lui-même.

John Geisheker présente Doctors Opposing Circumcision (complément) :

Le verdict

Pendant les cinq années de délibérations (avec beaucoup d’attestations, de dossiers et de requêtes des parents à propos des souhaits de leur fils), le garçon n’a jamais été interrogé, pas même lors d’un entretien individuel avec le juge.

La Cour suprême de l’Oregon jugea que l’enfant n’avait pas besoin d’attendre ses 18 ans pour faire son choix. Elle décida que l’enfant de 14 ans devrait être interrogé sur ce qu’il voulait faire.

Marteau de la justice

En avril dernier, à une audience privée dans le bureau du juge du comté de Jackson, le garçon a finalement pu s’exprimer : il ne veut pas être circoncis. Il a aussi dit qu’il ne voulait pas être converti au judaïsme, qu’il avait peur de le dire à son père et même qu’il avait peur de continuer à vivre avec lui.

Cela prit encore cinq mois pour résoudre le problème de la garde, mais finalement, en septembre, le juge approuva un accord que James avait proposé et qui fut accepté par Lisa : les Boldt auraient désormais la garde partagée, avec Lia au titre de parent principal et James avec des droits de visite.

Le principal facteur dans leur accord ? La préférence de leur fils.

Traduction française : Droit au Corps