Le documentaire The Guy Who Got Cut Wrong (Le type qu’on a mal coupé) plonge le spectateur dans l’expérience intime de l’écrivain américain Gary Shteyngart. Victime d’une circoncision ratée à 7 ans, puis d’une chirurgie correctrice problématique à 48 ans, l’homme raconte avec humour et lucidité les répercussions de ces événements sur sa vie.
Réalisé par Dana Ben-Ari pour The New Yorker, ce documentaire de 20 minutes a été publié le 24 septembre 2025. Il est accessible gratuitement sur le site et sur la chaîne YouTube du magazine.
Né en Union soviétique en 1972 de parents juifs, Gary Shteyngart n’a alors pas été circoncis. « À l’époque, les circoncisions n’étaient pas pratiquées en Union soviétique, principalement pour des raisons politiques », explique-t-il.
C’est à l’âge de 7 ans, après que sa famille a émigré aux États-Unis, que Shteyngart a été circoncis. « Mon père a rapidement rencontré un juif ultra-orthodoxe qui faisait du porte-à-porte dans Brooklyn et Queens pour convaincre les immigrants nouvellement arrivés de faire circoncire leurs enfants », raconte l’écrivain. Si l’on ajoute à cela le fait que le taux de circoncision infantile était alors à son plus haut historique aux États-Unis, il était difficile d’y échapper. « Ce n’était pas seulement accepté par la religion, mais aussi par le nouveau pays, ce que nous essayions désespérément de faire », précise l’auteur.
Réalisée à l’hôpital, la circoncision a entraîné une infection et des mictions douloureuses qui ont duré jusqu’à l’âge de neuf ans. De plus, l’opération a laissé ce qu’on appelle un pont de peau, s’étendant du gland à la hampe du pénis, résultant d’une cicatrisation anormale entre les surfaces du gland et du reste du prépuce. Des complications bien connues de la circoncision.
« Ça m’a vraiment fait détester mon pénis. Je me souviens d’avoir essayé de le cacher entre mes jambes quand je me regardais nu dans un miroir. C’était quelque chose que je détestais profondément », témoigne l’écrivain. Il parle également du « sentiment d’insécurité » qui l’habitait : « cette angoisse liée au fait que, même enfant, tu n’étais pas protégé. Qu’on pouvait te faire ça. »
Shteyngart évoque ensuite les difficultés que cette circoncision ratée a entraînées sur le plan sexuel et relationnel. « Quand la puberté est arrivée et que j’ai commencé à me toucher, je me souviens avoir pensé : “Je ne peux pas rompre ce pont de peau, pas vrai ? Parce que sinon, qu’est-ce qui se passerait ?” Je crois que ça a vraiment perturbé plusieurs de mes relations — voire en a empêché certaines. »
Puis l’auteur raconte qu’un jour d’août 2020, alors âgé de 48 ans, il ressent une tension inhabituelle sous son pénis. Un poil s’était enroulé et resserré autour du pont de peau, formant un petit garrot. Un urologue parvient à retirer le poil, mais conseille à Shteyngart une chirurgie pour retirer le pont de peau, ce qu’il accepte. « Mais quelque chose a terriblement mal tourné. Et, en l’espace de quelques semaines, j’ai connu l’une des pires douleurs de ma vie », se remémore l’écrivain. « Personne ne pouvait me dire si cela finirait un jour, et l’idée de ne rien pouvoir faire… Même s’asseoir était une souffrance. »
« Il fut un temps où j’avais presque envie d’adhérer à une religion et de négocier avec Dieu. Si tu fais ça, si tu élimines une partie de cette douleur, pas toute, mais au moins une partie, tu vois ? », se confie Shteyngart. « Je pense que c’est une cruauté particulière, et c’est pourquoi tant de cultures à travers le monde ont été attirées par l’idée de s’attaquer à cet endroit. Parce que peut-être que la nature de notre plaisir est si inexplicable et que les fantasmes qui y sont attachés peuvent sembler si contraires à notre version de la moralité inculquée au fil des ans, que la seule chose à faire est de blesser cet endroit. »
Et l’homme de continuer avec l’humour qui le caractérise : « J’ai entendu dire que le meilleur moment pour faire une circoncision, c’est à huit jours ! Non, c’est à sept ans ! Non, c’est à 34 ans ! Non, c’est quand tu es sur ton lit de mort ! Eh bien, peut-être qu’il n’y a pas de bon moment ! »
Shteyngart explique ensuite que si les choses vont mieux pour lui aujourd’hui, il garde des séquelles physiques et psychologiques. « Chaque année, la douleur diminue, mais elle ne disparaît jamais complètement. J’ai appris, par exemple, quels types de shorts et de jeans me conviennent le mieux. Je ne pensais vraiment pas pouvoir un jour refaire l’amour. Aujourd’hui, le sexe peut encore être très agréable. J’essaie de rester en parfaite santé, presque comme une revanche contre ce qui m’a été fait. Mais mentalement, oui, c’est toujours un peu la pagaille dans ma tête », confie-t-il.
Se rendant à l’endroit où il a eu son premier baiser, l’écrivain déclare avec le sourire : « Ce pays a brisé mon pénis, mais il n’a pas pu briser mon esprit. »
Le lendemain de la sortie du documentaire, Gary Shteyngart a commenté sur sa page Instagram : « Tellement fier de ce documentaire sur un sujet très sensible, désormais disponible sur le site du @newyorkermag. Il est court (je parle du documentaire, bien sûr), il est drôle, et j’espère sincèrement qu’il incitera les gens à voir la circoncision sous un nouveau jour. »
À noter que l’auteur avait déjà partagé son expérience par écrit dans un riche article publié sur le site du New Yorker en 2021 : A Botched Circumcision and Its Aftermath (Une circoncision ratée et ses conséquences).
