Belgique : les circoncisions sans nécessité médicale ne seront plus remboursées en 2026

En Belgique, la circoncision est couramment remboursée par l’assurance maladie, même lorsqu’elle ne répond à aucune indication médicale. Cette situation anormale prendra fin en janvier prochain, puisque seules les interventions médicalement nécessaires seront désormais prises en charge.

Logo de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI), organisme public chargé du remboursement des soins de santé en Belgique.

En septembre dernier, l’assurance maladie belge (INAMI) a acté la limitation du remboursement de la circoncision aux cas médicalement nécessaires, apprend-on du magazine médical De Specialist.

Une décision motivée à la fois par une réflexion médicale et une considération éthique, mais aussi sans doute par une volonté de réaliser des économies. Selon les chiffres de l’INAMI, environ 25 000 circoncisions sont remboursées chaque année en Belgique, dont une très large majorité concerne des enfants (voir tableau).

Le Comité décisionnaire s’appuie sur le fait que d’un point de vue médical, un enfant sans pathologie ne devrait pas être opéré. Sur le plan éthique, l’argument est que les parents ne devraient pas pouvoir décider d’une intervention irréversible et médicalement non nécessaire pour leur enfant, lequel n’est pas apte à consentir.

Classes d’âgePatients ambulants Patients hospitalisésTotal
0-414 36221214 574
5-94 122644 186
10-141 231301 261
15 et plus4 9707075 677
Total24 6851 01325 698
Circoncisions remboursées par l’INAMI en Belgique par classes d’âge (2014)
Nous n’avons pas trouvé de données plus récentes détaillées par classes d’âge, mais le nombre total de circoncisions est resté stable depuis (25 714 en 2023), et la répartition par âge est probablement similaire.
Source : chiffres fournis par l’INAMI au Comité consultatif de Bioéthique de Belgique

Nouvelle réglementation

La nouvelle réglementation limite le remboursement de la circoncision à trois indications médicales strictement définies, quel que soit l’âge du patient :

  • un lichen scléro-atrophique, maladie de peau qui peut entraîner un rétrécissement de l’extrémité du prépuce empêchant le décalottage (état communément appelé « phimosis », à ne pas confondre avec l’état normal du prépuce non rétractable chez le jeune dont le pénis est encore en développement), et qui est souvent traitable par des alternatives non chirurgicales ;
  • une anomalie urologique congénitale ;
  • un cancer du pénis.

Au 1er janvier 2026, date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, seules les circoncisions répondant à l’un de ces trois critères pourront être remboursées. Toutes les autres circoncisions seront considérées comme des interventions esthétiques non médicalement indiquées et ne feront donc l’objet d’aucun remboursement.

L’INAMI a annoncé qu’elle surveillera strictement l’application de cette réglementation. Ainsi, toute attestation injustifiée faite par un médecin pourra entraîner des sanctions. On pense évidemment aux faux diagnostics de « phimosis », une porte d’entrée idéale pour frauder les assurances maladies, pratique bien connue qui semble échapper à tout contrôle en France.

Un remboursement dénoncé depuis des années

Dans un avis de 2017, le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique avait estimé que « la charge financière de la circoncision non médicale ne doit pas incomber à l’ensemble des citoyens ».

Depuis, des élus de différents partis politiques ont appelé à supprimer le remboursement des circoncisions réalisées sans nécessité médicale. Au moins trois propositions de loi ont été déposées : par des députés de la N-VA (centre droit / droite) en 2020, et par des députés de l’Open VLD (centre droit) en 2020 et en 2024.

Selon les données de l’INAMI, la dépense relative aux circoncisions s’élève à près de 3 millions d’euros par an. Mais d’après une estimation faite en 2023 par Goedele Liekens, alors députée (Open VLD), le coût réel (incluant anesthésie, hospitalisation, médicaments, etc) représenterait plutôt 36 millions d’euros pour le contribuable, soit environ 1400 € l’intervention. Or, seules 1 % des circoncisions seraient médicalement justifiées.

Quel système dans les autres pays européens ?

Dans la proposition de loi déposée par l’Open VLD en 2024, on peut lire : « Aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et au Danemark, les circoncisions sans nécessité médicale ne sont pas interdites non plus, mais elles ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. En Italie, ça dépend: la réglementation varie d’une région à l’autre. En Suède, la circoncision est pratiquée soit dans le cadre de soins de santé privés aux frais de la famille, soit par le biais de la sécurité sociale (mais les listes d’attente y sont longues). »

Il s’agit d’un résumé de ce qu’écrit le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique en pages 22-23 de son avis de 2017, qui fournit davantage de détails.

Précision pour la France : en 2009, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot avait clairement indiqué qu’il n’était « pas question de rembourser la circoncision » réalisée pour raisons religieuses, et que faire passer une circoncision religieuse pour un acte médical constituait une « fraude à la Sécurité sociale ».

Vers l’ouverture d’un débat public ?

Si « mettre fin au remboursement de la circoncision par les assurances de santé » fait partie des préconisations de Droit au Corps, notre association rappelle qu’il est indispensable que les autorités sanitaires lancent une campagne d’information du grand public sur la santé du pénis (hygiène, décalottage, « phimosis », circoncision), de même qu’il est fondamental d’ouvrir un débat public sur les conditions du consentement à la circoncision. En effet, il est peu probable que les parents qui souhaitent une circoncision rituelle pour leur enfant abandonnent la pratique au simple motif qu’elle n’est plus remboursée.

On apprend d’ailleurs par un article de VRT NWS que l’association belge Rights And Freedoms Always (RAFA) a déposé une plainte le mois dernier concernant des circoncisions pratiquées sans nécessité médicale. Dirigée contre des personnes inconnues, la plainte vise des coups et blessures intentionnels sur des mineurs ainsi que l’exercice illégal de la médecine.

L’objectif de cette plainte est d’obtenir une enquête judiciaire, mais aussi de lancer un débat sociétal et politique sur la circoncision. « Le problème, c’est qu’il s’agit d’une mutilation irréversible qui va à l’encontre de la Convention internationale des droits de l’enfant », explique Goedele Liekens, aujourd’hui sénatrice (Open VLD), membre de RAFA, et également psychologue et sexologue. L’association plaide pour que les garçons bénéficient de la même protection que les filles face aux mutilations sexuelles.

Lors de la conférence de presse de RAFA, le Dr Piet Hoebeke, urologue, a souligné que la circoncision comprend un risque de complication qui peut être grave, qu’il s’agit d’une intervention rarement nécessaire sur le plan médical, et qu’il n’existe pas de bénéfice scientifiquement démontré.* Il a également mis en avant l’une des conséquences sur la vie sexuelle future : « Le prépuce contient des terminaisons nerveuses sensibles sur le plan sexuel, qui sont retirées lors d’une circoncision. On enlève donc une partie de la sensibilité sexuelle d’un individu sans qu’il ait donné son consentement. »

* On peut toujours attribuer un « bénéfice » au fait de retirer une partie du corps. Par exemple, extraire toutes les dents évite effectivement les caries. Mais ce n’est pas un bénéfice au sens médical du terme tant que l’organe est sain et fonctionnel.

Une situation belge préoccupante

D’après une estimation publiée dans le Population Health Metrics en 2016, 22,6 % des hommes en Belgique sont circoncis, soit la prévalence la plus élevée d’Europe occidentale, devant le Royaume-Uni (20,7 %) et la France (14 %).

En 2021, un article du quotidien La DH rapportait : « Les demandes de circoncision explosent, surtout à Bruxelles », principalement pour des raisons culturelles ou religieuses. « Depuis quelque temps, on peut véritablement parler d’un business du prépuce », relevait un chirurgien bruxellois sous anonymat.

Une situation qui profite à certains laboratoires, comme l’Institut de recherche in vitro en toxicologie et dermato-cosmétique (IVTD, Bruxelles). Dans ce dernier, des prépuces d’enfants sont utilisés pour de la recherche scientifique. « Cette fine peau permet de tester médocs et cosmétiques, tout en épargnant les animaux de laboratoire », expliquait le magazine Médor en 2021, sans même questionner les aspects éthiques de cette activité.

La situation belge est donc particulièrement préoccupante, et l’on espère que la nouvelle réglementation de l’INAMI, ainsi que les initiatives d’associations comme RAFA, permettront d’infléchir cette tendance. Agissant dans la francophonie, Droit au Corps prévoit aussi d’écrire aux autorités sanitaires belges dans le cadre de futures actions.

Argument des défenseurs du remboursement

Certaines personnes demandent que la circoncision rituelle soit prise en charge par la Sécurité sociale. L’argument avancé est qu’en l’absence de remboursement, le prix élevé de l’opération peut conduire des familles à faire circoncire leur enfant à moindre coût, dans de moins bonnes conditions sanitaires, leur faisant ainsi courir un risque plus élevé.

Mais cette logique n’ouvre-t-elle pas la porte à une multitude d’autres dérives ? Par exemple, viendrait-il à l’idée que les contribuables financent la médicalisation des mutilations sexuelles féminines, dans le souci très légitime de limiter les dégâts pour les fillettes ? Protéger certains enfants et pas d’autres n’est-il pas une incohérence éthique qui fragilise la protection de tous ?

Plus absurde encore pour le contribuable, les victimes de cette mutilation sexuelle « d’État » qu’est la circoncision pourraient parfaitement porter plainte contre les pouvoirs publics pour obtenir des dédommagements financés par la collectivité. L’Australien Jason Simmons, victime d’une circoncision subie dans l’enfance, estime ainsi : « Medicare [assurance maladie publique australienne] a contribué au financement de ma mutilation. Medicare devrait donc aussi financer mon parcours de guérison. »

C’est pourquoi Droit au Corps concluait en 2019 : « Plutôt que de rembourser la circoncision rituelle par la collectivité, la solution à mettre en œuvre consiste surtout à condamner lourdement ceux qui la pratiquent dans des conditions sanitaires contestables. La tolérance zéro est ici la politique à suivre. »

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