Circoncision et hygiène : une idée reçue qui a la vie dure

Les partisans de la circoncision avancent souvent le motif hygiéniste pour justifier cette pratique. Il s’agit d’un argument fallacieux très courant qui part du principe injustifié que le prépuce est une partie sale voire impure du pénis.

Circoncision et hygiène

Sommaire :

  1. L’origine du mythe
  2. Le prépuce
  3. Le smegma
  4. Un sexe intact est très facile à laver
  5. L’argument hygiéniste aussi utilisé pour les femmes
  6. Ethique et droit
  7. Conclusion
  8. Notes et références

L’origine du mythe

Nous citons ici deux passages du livre du Pr Sami Aldeeb [1] :

La circoncision, tant masculine que féminine, se dit dans la langue arabe populaire taharah, purification; et le circonciseur: mutahhir, purificateur. Ce dernier terme s’utilise aussi pour désigner le désinfectant. Mais c’est en vain qu’on cherche dans la Bible une telle justification de la circoncision. Celle-ci est, selon Genèse 17, un signe d’alliance entre Yahvé [Nom du Dieu d’Israël cité dans la Bible après le tableau de la création (Genèse II, 4)] et les juifs. Certes, Lévitique 12 parle de la circoncision dans le cadre des règles relatives à la purification des femmes. Mais certains estiment que ce passage a été ajouté plus tard au texte originel.

Même si la Bible ne parle pas de la circoncision comme moyen de propreté, il n’est pas exclu que cette dernière soit un des buts de la circoncision dans le passé lointain. Hérodote [historien grec (Vème siècle av. J.-C.)] rapporte que les Égyptiens « se font circoncire par mesure de propreté, aimant mieux être propres que d’avoir meilleur air. Leurs prêtres se rasent le corps entier tous les deux jours, afin que ni pou ni aucune autre vermine ne s’attachent à leur personne pendant qu’ils servent les dieux ». Philon [philosophe juif (Ier siècle av. J.-C.)] aussi rattache la circoncision chez les Égyptiens à la propreté.

Le Coran, comme nous l’avons vu, ne fait aucune mention de la circoncision masculine ou féminine. Par contre, des récits de Mahomet, dont l’authenticité est mise en doute, place la circoncision parmi les lois de la nature. Ceci est notamment le cas dans le fameux récit: « Cinq font partie des lois de la nature: se circoncire, se raser le pubis, s’épiler les aisselles, se couper les ongles et les moustaches ».

Mais l’argument hygiéniste se retrouve également chez les Anglo-Saxons, en particulier chez les Américains, dont certains estiment à tort que l’ablation du prépuce permet de prévenir les infections urinaires, le cancer du pénis ou l’infection au VIH.

Le prépuce

Le prépuce est une partie fonctionnelle et naturellement présente dans l’anatomie masculine, mais également dans l’anatomie féminine.

Il possède notamment une fonction protectrice et immunologique.

Loin d’améliorer l’hygiène, il a été démontré, au contraire, que la circoncision crée des risques immédiats pour la santé.

La perception que le prépuce est non hygiénique est un mythe. Le prépuce protège contre les maladies ; il n’en cause pas. Si le prépuce n’est pas hygiénique, alors les paupières devraient être considérées comme non hygiéniques.  – Dr George Denniston [2]

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Le smegma

Le smegma est une sécrétion naturelle qui est produite chez les mammifères mâles et femelles.

Cette substance blanche se retrouve sous le prépuce chez l’homme et dans la région vulvaire autour du clitoris chez la femme.

Le smegma sert à nettoyer et lubrifier les organes génitaux en conservant l’humidité du gland. [3-5]

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Un sexe intact est très facile à laver

Il n’est pas plus long ou difficile pour un homme intact de se laver le pénis que de se laver les cheveux ou les dents.

Il suffit simplement de rincer la région concernée à l’eau tiède, en rétractant le prépuce pour éliminer les résidus éventuels de smegma, de préférence sans utiliser de savon. Le savon peut en effet enlever le film gras (film hydrolipidique) recouvrant et protégeant naturellement la peau et ainsi favoriser le dessèchement de la muqueuse du gland, voire provoquer des dermatites atopiques (lésions cutanées eczémateuses).

ET CHEZ LE PETIT GARÇON, PAS DE DÉCALOTTAGE !

L’hygiène du pénis de l’enfant est simple, il suffit de rincer à l’eau claire et tiède la surface apparente du pénis, sans utiliser de savon, sans frotter intensivement et sans jamais décalotter. Plus d’info dans cet article : Santé du pénis : hygiène et bonnes pratiques

Tenter de décalotter un enfant est inutile et dangereux : cela peut le blesser physiquement et psychologiquement, et mener à des complications de long terme. Plus d’info dans cet article : Décalotter l’enfant : une mauvaise pratique à bannir

L’argument hygiéniste aussi utilisé pour les femmes

Si on accepte l’idée que les hommes doivent recourir à la circoncision pour être plus propre, alors il faudrait aussi accepter l’idée de la circoncision féminine puisque les femmes aussi sécrètent du smegma.

Cet argument hygiéniste a ainsi été utilisé aux États-Unis pour justifier la circoncision féminine. En 1958, le Dr McDonald écrit :

Le clitoris de la petite fille est caché; il est couvert par le prépuce à la naissance. La raphe médiane reste intacte invariablement et elle peut le rester lors des accouchements ultérieurs. Si la raphe n’est pas ouverte, le smegma peut s’y accumuler et causer des troubles. Si la raphe s’ouvre un peu, la bactérie peut y pénétrer et contaminer les débris. Ensuite viennent les symptômes de l’irritation, le grattement et la masturbation de façon fréquente et urgente. Chez les adultes cela peut provoquer frigidité et relations sexuelles douloureuses. Les mêmes raisons qui justifient la circoncision masculine justifient aussi celle féminine.  [1]

Et cet argument est toujours utilisé de nos jours, voir par exemple ce témoignage de 2021 :

[Ma mère] m’a dit que j’avais été ‘coupée’ parce qu’elle ne voulait pas que je devienne adultère, parce que c’est plus propre, et que cela fait partie des traditions religieuses ». [7]

Ethique et droit

L’argument de l’hygiène est quoi qu’il en soit irrecevable, car la circoncision infantile ne pourra jamais être justifiée au nom du principe éthique de proportionnalité : il existe en effet des manières plus efficaces et moins préjudiciables de prévenir ou guérir des maladies sans couper le prépuce.

Enfin, l’ablation de tissus sains chez l’enfant est une violation du droit de disposer de son corps.

Conclusion

Les hommes comme les femmes :

    • possèdent un prépuce, partie saine et fonctionnelle du sexe ;
    • sécrètent du smegma, substance naturelle et fonctionnelle ;
    • peuvent facilement se laver le sexe avec de l’eau.
Assurer une bonne hygiène génitale est simple, préférez l’eau plutôt que les ciseaux !

Circoncire un enfant pour un motif hygiénique est contraire à l’éthique médicale, aux droits de l’enfant ainsi qu’au bon sens : en suivant cette logique absurde, il faudrait par exemple arracher les dents de l’enfant pour éviter qu’il n’attrape des caries !

Un pénis sale est dû à une hygiène négligée et non au prépuce lui-même. Circoncis ou intact, l’homme doit procéder à une toilette intime régulière.

En Irlande, on ne vous coupe pas le bout du zizi à la naissance. Je suis totalement en désaccord avec ça. Les gens disent, ‘C’est plus propre de ne pas avoir de prépuce.’ Quoi, vous n’avez jamais entendu parler d’une putain de douche ? – Colin Farrell [6]

Conlin Farrell
Né en Irlande, Colin Farrell est intact et s’est déclaré opposé à la circoncision infantile.

Notes et références

1. Aldeeb Abu-Sahlieh, Sami A.: Circoncision masculine – circoncision féminine: débat religieux, médical, social et juridique, p. 246-248.

2. Article en ligne sur Ask Men.

3. Joyce Wright, How smegma serves the penis: Nature’s assurance that the uncircumcised glans penis will function smoothly is provided by smegma, Sexology (New York), vol. 37, no 2, septembre 1970, p. 50–53.

4. RS Van Howe, The carcinogenicity of smegma: debunking a myth, Journal of the European academy of dermatology and venereology, vol. 20, no 9, octobre 2006, p. 1046–1054.

5. P.M. Fleiss, Immunological functions of the human prepuce, Sexually transmitted infections, vol. 74, no 5, octobre 1998, p. 364–367.

6. Interview pour le magazine playboy, mars 2003.

7. Mutilations génitales à Singapour : la tradition qui perdure à l’ombre des gratte-ciels, TV5 Monde, 2021