La circoncision peut altérer la vie sexuelle (étude du Dr Frisch)

L’étude danoise est la première à considérer les effets de la circoncision masculine sur les partenaires féminins.

Une nouvelle étude montre que les hommes circoncis ont plus de difficulté à atteindre l’orgasme et que leurs partenaires féminines éprouvent plus de douleurs vaginales et ont une vie sexuelle de moindre qualité.

Article de Niels Ebdrup paru sur Science Nordic et traduit par Droit au Corps

Si un homme est circoncis, il s’expose à un risque accru de retard à atteindre l’orgasme et expose sa partenaire féminine à un risque accru d’insatisfaction sexuelle.

C’est la conclusion sans appel d’un nouvel article de recherche danois qui a eu un écho international.

Quelques 5 000 hommes et femmes sexuellement actifs ont pris part à une étude sur leur expérience et d’éventuels problèmes dans leur vie sexuelle. Si l’on se concentre plus spécifiquement sur les hommes circoncis et leurs partenaires féminines, les résultats sont alarmants.

« Les hommes circoncis ont trois fois plus de risque d’être régulièrement incapables d’atteindre l’orgasme », affirme l’un des chercheurs, le professeur associé Morten Frisch, de SSI, une entreprise danoise de recherche, de production et de services.

Les recherches des effets sur les femmes sont uniques

Il s’agit de l’une des rares études sur les conséquences de la circoncision masculine, et dans un domaine en particulier, elle est révolutionnaire :

« Les précédentes études sur la circoncision masculine ont observé ces effets sur les hommes. Mais les scientifiques n’ont jamais vraiment étudié ces effets sur la vie sexuelle des femmes », déclare Frisch.

« Il apparaît que les femmes d’hommes circoncis ont deux fois plus de risque d’être sexuellement frustrées. Elles ont trois fois plus de risque de faire face à une difficulté régulière à atteindre l’orgasme, et huit fois plus de risque de ressentir des douleurs pendant un rapport ; ce que l’on nomme également dyspareunie. »

 

La circoncision peut altérer la sexualité de l'homme et de la femme
L’étude danoise est la première à considérer les effets de la circoncision masculine sur les partenaires féminins.

Les hommes circoncis préfèrent un acte sexuel plus brutal

Il semble qu’il y ait une raison très simple au fait que les hommes circoncis et leurs partenaires puissent avoir des problèmes dans leur vie sexuelle.

Un homme circoncis développe une fine couche de peau dure sur son gland, ce qui diminue sa sensibilité [il s’agit de la kératinisation]. Cela signifie qu’il doit s’y prendre de façon plus vive pour atteindre l’orgasme, et cela peut entraîner une expérience douloureuse pour la femme.

« Nous avons mené une étude, mais les données n’expliquent pas pourquoi ces problèmes surviennent. Il existe néanmoins de bonnes suggestions dans la littérature scientifique », explique-t-il.

Lorsque le pénis pénètre dans le vagin, le prépuce est repoussé. Et lorsqu’il en ressort, le prépuce revient couvrir le gland. De cette façon, le prépuce stimule à la fois l’homme et la femme [voir schéma].

Le mouvement de va-et-vient glissant du prépuce, combiné au mouvement de va-et-vient dans le vagin, constitue ce que l’on appelle le « mouvement de glissement ».

« Lorsqu’un homme circoncis pénètre et sort d’une femme sans ce ‘mouvement de glissement’ dû au prépuce, cela peut avoir un effet douloureux sur les muqueuses de la femme. Ceci pourrait expliquer la douleur et la tendance à la sécheresse vaginale dont souffrent certaines femmes avec les hommes circoncis. »

Les sources d’erreur ont été filtrées

Une grande majorité des hommes circoncis de cette étude l’ont été sur la base d’un avis médical.

« Seuls 5 % des Danois sont circoncis ; cependant, nous avons une preuve statistiquement valide que l’on peut mettre en parallèle la circoncision masculine avec certains problèmes sexuels. »

L’étude n’a pas pris en compte beaucoup d’hommes circoncis pour raison religieuse – juifs et musulmans, par exemple. Mais même si l’on prend en compte ces facteurs, les données vont dans le même sens. L’analyse statistique a également pris en compte une longue liste de facteurs pertinents comprenant :

  • l’âge ;
  • le milieu culturel ;
  • le milieu religieux ;
  • le statut marital ;
  • le niveau d’éducation ;
  • le revenu du foyer ;
  • l’âge du premier rapport ;
  • le nombre de partenaires sexuels ;
  • la fréquence de l’activité sexuelle avec un partenaire au cours de l’année écoulée.

« Nous avons ajusté en fonction de tous ces facteurs pour s’assurer que la circoncision soit bien la cause et que le lien ne peut pas être attribué à d’autres facteurs. »

Des résultats finaux sans équivoque

Frisch donne un exemple de la façon dont les choses s’embrouillent si les chercheurs ne font pas de correction pour éviter de possibles sources d’erreurs lorsqu’ils travaillent avec des statistiques :

« Si, par exemple, vous observez des gens qui boivent beaucoup de bière, vous verrez qu’ils ont un risque accru de développer un cancer du poumon, comparés à ceux qui ne boivent pas beaucoup », dit-il. « Mais ce n’est pas le fait de boire qui cause le cancer du poumon. Il se trouve qu’il y a une corrélation entre le fait de boire et le fait de fumer, mais de fait, c’est fumer qui cause le cancer du poumon. »

Ce genre de source d’erreur a été pris en compte et les résultats finaux sont clairs :

« Il en ressort une image cohérente. Même si la plupart des hommes circoncis – et leurs partenaires féminines – n’ont pas de problèmes dans leur vie sexuelle, le groupe d’hommes circoncis et leurs partenaires féminines ayant des difficultés régulières à parvenir à l’orgasme est significativement plus important, comparé aux couples où l’homme n’est pas circoncis. »

De plus, il y a significativement plus de femmes avec des hommes circoncis qui souffrent de douleurs vaginales pendant les rapports ou qui trouvent que leurs besoins sexuels ne sont pas satisfaits.

Besoin d’études supplémentaires

Frisch espère que cette nouvelle étude sera imitée par des chercheurs d’autres pays et d’autres cultures.

« De cette façon, nous pourrons savoir avec certitude si ce phénomène ne s’applique qu’aux Danois ou s’il s’étend à d’autres cultures également », dit-il. « L’un dans l’autre, j’ai une approche humble de nos découvertes, alors je voudrais aussi voir si d’autres études danoises arriveraient aux mêmes conclusions. »

L’étude a eu un écho international

Selon Frisch, l’étude a suscité une grande attention au niveau international. Par exemple, il a été contacté par des hommes politiques de Californie qui sont très contents des résultats de l’étude, car ils veulent interdire la circoncision dans leur état fédéral.

D’autres sont moins enthousiastes et affirment que ces recherches sont sujettes à controverse.

« C’est une question très sensible et certaines personnes s’opposent à la publication de ce genre de recherches. Certaines personnes ont essayé d’empêcher la publication de notre article », explique-t-il.

 

Carte du monde en nuages
L’étude a reçu une attention internationale. Des politiciens de Californie ont notamment pris contact avec les chercheurs dans le but d’interdire la circoncision dans leur état.

Une question d’éthique

Certain groupes et individus font du lobbying pour que la circoncision soit appliquée à tous les hommes, explique Frisch. Pas nécessairement par motivation religieuse, mais parce qu’ils croient que la circoncision a des effets bénéfiques sur la santé. En Afrique, par exemple, il y a des préconisations de la circoncision comme pouvant réduire le risque d’infection du VIH.

Quelques faits (1)

Aux États-Unis, environ 50 % des garçons sont circoncis.

La circoncision est – ou plutôt a été – courante dans beaucoup de pays anglophones. Cela vient d’une mode de l’ère victorienne pendant laquelle les docteurs recommandaient que les garçons soient circoncis afin qu’il leur soit plus difficile de se masturber.

A l’époque, on pensait que la masturbation entraînait tout un tas de problèmes, entre autres des maladies mentales et le typhus.

Quelques faits (2)

Le rétrécissement du prépuce est plus connu sous le nom de « collerette espagnole » et scientifiquement sous le nom de « phimosis ».

Depuis un demi-siècle, de vastes études ont montré que les problèmes de phimosis se résolvent d’eux-mêmes dans l’enfance dans 99 % des cas. Néanmoins, cet état est toujours invoqué comme principal prétexte pour une circoncision de routine dans de nombreux pays.

En complément, voici l’interview vidéo de Morten Frisch à propos de cette étude :

Accéder à la transcription.