Lettre ouverte en réaction au colloque “La circoncision, un geste d’avenir !”

Sommaire

Lettre ouverte de Droit au Corps

Paris, le 31 mars 2015

Lettre ouverte au président de l’Académie nationale de Chirurgie et à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.

Madame la Ministre,
Monsieur le Président,

Droit au Corps est une association dont l’objet est de mettre fin à toute forme de mutilation sexuelle pratiquée sur un individu non consentant et sans nécessité thérapeutique.

Le 26 janvier dernier, un colloque intitulé “La circoncision, un geste d’avenir !” s’est tenu sous les auspices de l’Académie nationale de Chirurgie [1]. Il était organisé par l’Association des Médecins Israélites de France et le Fonds Social Juif Unifié. Henri Judet, vice-président de l’Académie nationale de Chirurgie, a d’ailleurs honoré ce colloque de sa présence en assurant l’ouverture de la soirée.

L’Académie nationale de Chirurgie précise sur son site Internet être “une référence pour les chirurgiens mais aussi pour les magistrats, pour les experts et pour les pouvoirs publics.” Reconnue d’utilité publique en 1859, elle a été inaugurée par le président de la République en 1936.

Comment une telle institution a-t-elle pu apporter sa caution à un colloque faisant l’éloge d’une pratique contraire au Code civil (art.16-3), au Code de la santé publique (art.R4127-41) et au Code de déontologie médicale (art.41), à savoir la circoncision non consentie et pratiquée sans nécessité médicale sur des enfants, voire sur des nouveau-nés ? [2]

Comme le titre du colloque le laissait présager, les propos tenus y ont été déconcertants de désinformation et de colonisation du médical par le religieux [3].

À cette occasion, le principe de laïcité a été malmené par l’Académie nationale de Chirurgie et certains professionnels de santé de la République.

La complaisance de l’Académie nationale de Chirurgie dans cette affaire est une négation du slogan “Mon corps, mon choix, notre droit” actuellement affiché sur le site Internet du ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, pour célébrer les 40 ans de la loi Veil.

Nous espérons que les responsabilités de la tenue de ce colloque seront établies et que des mesures seront prises pour qu’une telle dérive ne se reproduise plus.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Droit au Corps

Nicolas Maubert & Guy Sinden, co-présidents

www.droitaucorps.com

Cosignataires :

  • Sami Aldeeb, juriste, professeur des universités
  • Michel Beaugé, médecin andrologue
  • Antonio Fischetti, journaliste à Charlie Hebdo
  • Gilles Formet, psychiatre, psychanalyste et sexologue
  • Michel Garenne, démographe
  • Dominique Le Houézec, médecin pédiatre
  • Patrick Pelloux, médecin urgentiste
  • Emmanuelle Piet, médecin, présidente du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV)
  • Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat, ex-président du tribunal pour enfants de Bobigny
  • Jérôme Segal, historien, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne
  • Linda Weil-Curiel, avocate au barreau de Paris, animatrice à la Commission pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles (CAMS)

Copie :

Organismes médicaux :

Assurance Maladie

Conseil national de l’Ordre des médecins

Société Française de Médecine Générale
Association Médicale Française
Académie nationale de Médecine
Association Nationale des Étudiants en Médecine de France

Société Française de Pédiatrie
Société Française de Chirurgie Pédiatrique
Association Française de Pédiatrie Ambulatoire
Syndicat National des Pédiatres Français

Association Française d’Urologie
Association Française des Urologues en Formation

Ordre National des Infirmiers
Fédération Nationale des Infirmiers
Association Nationale Française des Infirmières et Infirmiers Diplômés et Étudiants
Fédération Nationale des Étudiants en Soins infirmiers

Ordre des sages-femmes
Collège National des Sages-Femmes
Association nationale formation initiale et continue des sages-femmes
Association nationale des étudiants sages-femmes

Association Médicale Mondiale

Organismes de défense des droits de l’enfant :

Défenseuse des enfants, Geneviève Avenard

Unicef France

Conseil Français des Associations pour les Droits de l’Enfant
Ligue Française des Droits de l’Enfant
Fondation pour l’enfance

Amnesty France

Notes et références :

[1]

La circoncision, un geste d'avenir !

[2]

1. Article 16-3 du Code civil

Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir.

2. Article R4127-41 du Code de la santé publique
(lui correspond l’Article 41 du Code de déontologie médicale)

Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement.

[3] Désinformation rapidement propagée dans les médias par Ronald Virag, chirurgien sexologue, présenté dans la catégorie “expert” par le Nouvel Observateur, qui se réfère au colloque organisé “dans les locaux de l’Académie nationale de chirurgie” dans son article :

Circoncision : non, elle n’influence pas la vie sexuelle des hommes

“Dans le monde de permissivité et d’échanges sexuels multiples, cette dernière [la circoncision], compte tenu de ses indéniables avantages en terme de santé personnelle et publique est une pratique tout à fait recommandable à condition qu’elle soit exécutée avec toutes les précautions des bonnes pratiques médicales.”

Réponse du président de l’Académie nationale de Chirurgie

Le 8 avril, Georges Mantion, président de l’Académie nationale de Chirurgie, a adressé une lettre de réponse à Droit au Corps (lire la lettre).

Par ailleurs, la vidéo du colloque est désormais disponible sur akadem.org (voir la vidéo). Droit au Corps publiera prochainement un commentaire sur les propos tenus durant le colloque.