Stratégie mondiale de Droit au Corps

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Voici la stratégie présentée par Droit au Corps au premier symposium de la coalition internationale pour l’abandon des mutilations sexuelles, en mai 2020, dans le cadre du WWDOGA (Worldwide Day of Genital Autonomy soit Journée mondiale pour l’autonomie génitale).

Sommaire

  1. Quel est notre défi majeur à moyen terme ? La circoncision musulmane
  2. La voie de la compassion
  3. Quelle stratégie revendicative ? L’Appel au Débat Public
  4. Niveau « avancé » de la stratégie de l’Appel au Débat : proposer de débattre de 13 ans comme âge du consentement
  5. Stratégies complémentaires à l’Appel au débat : le jeu de domino
  6. Efficacité comparée des stratégies « force du droit » versus « voie de la compassion »
  7. Stratégie d’alliances
  8. Annexe : courriel adressé à Brian Earp en mai 2020

Quel est notre défi majeur à moyen terme ? La circoncision musulmane

  • Des 4 segments de circoncision – médical, musulman, ancestral, juif -, la circoncision musulmane est le défi majeur à moyen terme car elle est majoritaire numériquement, la plus répandue géographiquement et tendanciellement en expansion. De plus, contrairement à la circoncision ancestrale typiquement africaine, elle dispose d’un réseau de coordination internationale hiérarchisé (avec des responsables religieux) qui la rend plus forte organisationnellement, dans le cadre d’un véritable sentiment d’appartenance à une communauté (l’Oumma).
  • Le cadre stratégique pour aborder la circoncision musulmane ne peut être que planétaire, les populations musulmanes issues de migrations s’ajoutant aux populations des vastes terres d’islam.
  • Il est irréaliste de penser que les musulmans abandonneront la circoncision sous la pression d’une interdiction mondiale, avec un débarquement des casques bleus de l’ONU à La Mecque.
  • Action / réaction :
    • l’usage de la force (du droit) entraînerait un durcissement de la défense de la circoncision par les musulmans, ce serait contre-productif et aggraverait les tensions entre les musulmans et le reste du monde (caricatures de Mahomet, port du voile, terrorisme…)
    • une culture ensevelie par la force renaît de ses cendres à la première occasion, l’abandon de la circoncision ne serait pas profond et durable.
  • En matière de circoncision musulmane, y a-t-il une autre stratégie que l’éveil des consciences ?

La voie de la compassion

  • Commençons par le commencement : pour quelle raison voulons-nous mettre fin aux mutilations sexuelles ? 
    • Parce que nous donnons la priorité à l’allègement de la souffrance. 
    • C’est ce que la philosophie éthique appelle l’algoprioritarisme.
  • Avec ce point de départ, la stratégie anticirconcision devient évidente : c’est « la voie de la compassion », pour réduire un maximum de souffrances.
  • La particularité de cette approche est d’être inclusive :
    • les anticirconcision se retrouvent dans l’obligation de prendre en compte les peurs et les souffrances des procirconcision menacés dans leurs traditions
    • de plus, il faut accepter de pousser cette logique éthique dans ses retranchements, aussi déstabilisant que ce soit : si les souffrances engendrées par la lutte contre la circoncision s’avéraient pires que les souffrances engendrées par la circoncision, alors les anticirconcision devraient renoncer à leur lutte !
  • Une évolution culturelle majeure comporte toujours des souffrances pour ceux menacés par le changement : 
    • un changement se fait d’autant plus facilement que l’on s’efforce de réduire ces souffrances, qui sont autant de freins au changement
    • par exemple, il n’est pas facile de renoncer à manger de la viande du jour au lendemain même en étant conscient de la somme astronomique de souffrances animales que cela engendre. N’est-il pas bien plus facile d’abandonner le carnisme s’il existe tout un choix d’aliments à base de plantes qui soient savoureux, moins chers et bien meilleurs pour la santé, et que cette option végane soit accessible partout ?
  • Puisque la voie de la compassion implique de prendre en compte les souffrances des procirconcision afin de les réduire autant que possible, elle a pour conséquence d’en faire une stratégie très efficace en terme de réduction des freins au changement.

Quelle stratégie revendicative ? L’Appel au Débat Public

  • Quelle revendication peut être défendue par les anticirconcision au plan mondial tout autant qu’au plan local, compatible avec chaque segment de circoncision et qui permette d’élargir la communication et l’éveil des consciences au fil des années ?
  • La revendication idéale est « l’Appel au débat public sur les conditions du consentement à la circoncision »
    • cette revendication doit s’appuyer sur le slogan que « La circoncision peut engendrer des souffrances lourdes, pour la vie entière, même si toute circoncision n’entraîne pas forcément de souffrance. »
    • ce slogan a d’immenses avantages, d’abord d’être incontestable même par des procirconcision, et d’éveiller les consciences sans stigmatiser les circoncis (évitons leur la double peine, comme l’usage de l’expression « mutilation » sexuelle qui les dévalorise en plus d’être victime de la circoncision).
  • Pour quelles raisons cette revendication est-elle « idéale » ?
    • personne ne peut aller contre une telle revendication, au contraire refuser le débat serait mal vu et disqualifiant
    • il est possible de pousser sans cesse cette revendication, année après année, tant que le débat n’est pas ouvert publiquement
    • derrière cette revendication, il est possible de communiquer de plus en plus largement sur les souffrances liées à la circoncision, livre après livre, émission après émission, colloque après colloque…
    • cette revendication englobe tous les segments de circoncision, culturelles ou « médicales » (à la différence d’une revendication cloisonnée comme la seule interdiction de la circoncision rituelle)
    • cette revendication est beaucoup plus précise que les revendications classiques du « droit à l’intégrité physique » ou de « l’autonomie génitale » : puisque « l’autonomie génitale » est d’abord une question de consentement, alors il convient de se concentrer sur les « conditions » précises d’un tel consentement. On sait à quel point de nos jours, partout sur la planète, le consentement à la circoncision n’est pas correctement informé
    • cette revendication n’est pas une proposition fermée mais reste ouverte à différentes issues, notamment sur l’âge du consentement à la circoncision. Cela évite de donner le sentiment que les anticirconcision se croient les détenteurs de « la vérité », mais démontre qu’ils s’en remettent à la prise en compte de tous les points de vue dans le cadre du débat, seule source de légitimité en démocratie
    • cette revendication est compatible avec les actions déjà engagées depuis longtemps contre les mutilations sexuelles féminines, par exemple l’interdiction quel que soit l’âge, à la différence d’une revendication d’interdiction de la circoncision rituelle avant 18 ans, qui serait en conflit avec l’approche abolitionniste sur l’excision, et discriminatoire au plan juridique
    • cette revendication permet de mettre tout le monde autour de la table, notamment les défenseurs de l’intérêt de l’enfant, beaucoup plus puissants politiquement comparés aux microscopiques anticirconcision, mais aussi les laïcs, les féministes et bien d’autres
    • les signataires publics et privés d’un tel Appel permanent permet, au fil des années, de constituer un vaste réseaux de sympathisants partout sur la planète et bien au-delà des seuls anticirconcision : ce réseau peut être mobilisé pour d’autres actions d’une année sur l’autre, par cercles s’élargissant constamment au fil du temps.
  • La « stratégie du projet latéral » est une technique éprouvée de conduite des changements difficiles, enseignée depuis quelques décennies dans les écoles de commerce, mais qui peut tout à fait être utilisée pour des changements sociaux de grande ampleur. En voici les grands principes :
    • celui qui veut un changement a intérêt à consacrer ses forces à choyer les « alliés latéraux » de son projet, de façon à ce que leurs propres ressources viennent s’additionner et faire masse
    • il est impossible de convaincre des « opposants » à un changement de s’y rallier, inutile de s’épuiser à en discuter avec eux puisqu’ils ne faciliteront en rien ce changement
    • le changement vient d’abord des « alliés latéraux » grâce à la mobilisation de leurs propres réseaux, bien plus puissants que ceux de l’initiateur du projet
    • un changement de société ne se fait que lorsque la grosse masse des « passifs » a changé d’avis : ce sont les actions des « alliés latéraux » qui vont faire basculer progressivement cette majorité silencieuse
    • lorsque les passifs auront changé d’avis, le changement est irrésistible, les opposants ne peuvent plus l’empêcher.
  • Quels sont les « alliés latéraux » des anticirconcision, qu’il faut choyer ?
    • les féministes et plus généralement les acteurs positionnés sur les oppressions de « genre »
    • les kiddists, c’est-à-dire ceux qui sont en charge de l’intérêt de l’enfant
    • les laïcs : athées, rationalistes, humanistes, sceptiques, etc
    • les défenseurs des droits et de l’égalité
    • les professions de santé
    • l’intelligentsia et les politiques
    • les sexologues
    • les défenseurs de la cause animale : pensons aux centaines de millions d’animaux castrés à vif annuellement dans l’élevage intensif !
    • les acteurs de la lutte contre les violences : sexuelles, éducatives…
    • les organisations de lutte contre l’excision
    • de manière générale, les organisations algoprioritaristes d’une façon ou d’une autre : altruisme, compassion, etc
    • les « ex » : musulmans, juifs, chrétiens
    • les organisations de lutte contre les mutilations sexuelles intersexes (et transgenres).
  • Le test fait par Droit au Corps en 2019 avec un Appel au débat ciblé sur le seul gouvernement français, a démontré le potentiel d’une telle stratégie
    • l’impressionnante diversité des signataires publics donnent un avant-goût de ce que pourraient être le vaste réseau des « alliés latéraux » de la cause anticirconcision
    • les signataires privés sont issus de plus d’une soixantaine de pays, y compris de pays où la pratique est très développée (USA, terres d’islam, Israël, Afrique)

carte signatures appel au debat circoncision janvier 2021

  • si un Appel aussi consensuel était promu par tous les anticirconcision sur la planète entière dans les 10 prochaines années, plutôt que seulement par Droit au Corps, combien de millions de signataires, combien d’éveil des consciences par ce canal, d’articles dans les médias, d’émissions de radio, combien d’alliés latéraux embarqués qui relayeront l’Appel dans leurs propres réseaux ?

Niveau « avancé » de la stratégie de l’Appel au Débat : proposer de débattre de 13 ans comme âge du consentement

  • Comment réussir à inclure les procirconcision dans cette perspective de grand débat ? Comment faire en sorte qu’ils ne se ferment pas d’emblée et rejettent l’idée même ?
    • pour que les procirconcision acceptent de s’intéresser à l’Appel au Débat et de réfléchir en interne à l’évolution de leurs pratiques, il faut proposer un gagnant-gagnant, une perspective leur permettant de sortir la tête haute, une solution créative permettant d’alléger un maximum de souffrance même si elle ne correspond pas à l’idéal absolutiste des anticirconcision qui visent l’abolition de la circoncision sur le modèle de l’excision
    • la politique engagée par l’OMS en 2007, de circoncision volontaire capable de réduire le risque d’infection au VIH, est une opportunité inespérée pour établir un tel gagnant-gagnant, permettant de mettre sur la table des discussions une solution différente de l’abolitionnisme obtenu en matière d’excision, mais sans discrimination illégitime.
  • La question cruciale de l’âge du consentement : l’âge très particulier de 13 ans
    • Droit au Corps ne souhaite pas particulièrement que 13 ans devienne l’âge du consentement à la circoncision, ni aucun anticirconcision probablement, mais il faut s’obliger à prendre en compte tous les paramètres de cette complexe équation qu’est la circoncision si l’on veut trouver l’étroit sentier menant à l’abandon de cette pratique :
    • 13 ans est un âge acceptable pour le judaïsme pour 2 raisons : 
      • il est théologiquement acquis que la circoncision à 8 jours doit être retardée s’il y a un risque pour la santé du bébé, et il est acquis de nos jours que le risque est grand
      • 13 ans est l’âge de la Bar Mitzvah, où l’obligation de respecter les commandements religieux passe du père au fils, dont l’obligation de circoncision.
    • 13 ans est l’âge d’Ismaël au moment de sa circoncision : il se trouve que les musulmans se reconnaissent de cette descendance d’Abraham
    • 13 ans est l’âge des premières relations sexuelles en Occident (au moins pour 5% des jeunes dans des pays comme le Canada ou la France). Tant que les gouvernements continueront à soutenir l’OMS dans sa politique de circoncision contre le VIH, comment pourront-ils s’opposer à ce qu’un jeune de 13 ans puissent recourir à ce moyen « médical » de réduire son propre risque d’infection par le VIH ?
    • La « chirurgie esthétique » du sexe féminin est admise pour les adolescentes dans bien des pays qui ont pourtant interdit l’excision, ce qui permet au passage de questionner l’hypocrisie de cette pratique contestée par les acteurs de lutte contre l’excision. Pour quelle raison aurait-on le droit d’interdire à un adolescent de recourir à une « chirurgie esthétique » telle que la circoncision alors qu’une adolescente y a déjà droit ?
  • Faut-il que ce soient les anticirconcision qui proposent d’introduire l’âge de 13 ans dans les débats, ou vaut-il mieux se garder d’en parler ?
    • Oui, il est stratégique que ce soient les anticirconcision qui en parlent les premiers :
      • tactiquement, comme il est probable que ces paramètres de l’équation arriveront un jour ou l’autre sur la table des discussions, il vaut mieux que ce soient les anticirconcision qui prennent les devants en guise de bonne volonté, et surtout pour poser le problème de la façon la plus judicieuse possible
      • si ce sont les anticirconcision qui avancent cette solution de bonne volonté, leur attitude est irréprochable et de nature à recueillir la sympathie de l’opinion publique
      • pointer d’emblée cette solution de compromis rend d’autant plus difficile pour les musulmans ou les juifs de refuser de s’asseoir à la table des discussions : quelles raisons argumentées auraient-ils de ne pas le faire ? Et s’ils adoptent malgré cela la politique de la chaise vide, cela ne serait pas favorable à leur image dans l’opinion publique et auprès des pouvoirs publics.
    • De nos jours à 13 ans, un jeune n’importe où dans le monde a probablement l’occasion d’apprendre, que ce soit sur internet ou par ses amis ou cousins, les méfaits liés à la circoncision, notamment sur la sexualité qui devient un enjeu majeur pour lui à cet âge. Si le groupe tente de faire pression pour lui imposer sa religion, c’est la religion elle-même qui est menacée de disparaître, en 1 ou 2 générations.

Stratégies complémentaires à l’Appel au débat : le jeu de domino

  • Traiter chacun des 4 grands segments de circoncision : médical, musulman, ancestral (en miroir de l’excision), juif
    • la priorité tactique est de faire tomber le « domino » médical qui sert d’alibi aux 3 autres segments 
    • le domino médical a 3 grandes facettes : « phimosis » en Europe, néonatale aux USA, VIH avec l’OMS
  • Faire tomber le domino médical « phimosis » en Europe : Droit au Corps a constitué un dossier scientifique très fouillé sur la santé du pénis qui ouvre la perspective que la circoncision des enfants ne serait jamais nécessaire d’un point de vue médical
    • ce résultat permet de revendiquer la suppression des financements publics de la circoncision pseudo-médicale : c’est ce que fait une première campagne internationale dès 2020 (lettre ouverte COVID-19 réutilisable pays par pays par toutes les organisations anticirconcision)
    • ce dossier peut-être repris et traduit par toutes les organisations anticirconcision sur la planète pour pousser la même revendication
    • en parallèle revendiquer un plan de formation à la santé du pénis.
  • Faire tomber le domino médical de la circoncision néonatale aux USA : nos collègues américains y travaillent, courage !
  • Faire tomber le domino médical de l’OMS-VIH : mettre en place un recours collectif de ses victimes africaines en ciblant les points faibles de sa campagne massive
    • le vice de consentement est flagrant
    • la recommandation de la circoncision néonatale car « moins risquée » est évidemment biaisée, ne serait-ce que par qu’il n’existe pas de statistiques sur les décès liés à la circoncision néonatale : le récent désengagement du PEPFAR est une pièce à conviction qui tombe à pic
    • un recours collectif est très motivant pour les africains  compte tenu des montants financiers de dédommagement envisageables : c’est l’occasion de rassembler largement les africains et leurs organisations représentatives.
  • Traiter les 4 grands segments de circoncision : ancestral
    • mettre en place des plans conjoints de prévention excision / circoncision, en guise de travaux pratiques immédiats pour The Bodyguards
    • permet de lier la cause anticirconcision au système institutionnel très développé qu’est la lutte contre l’excision : les procirconcision auront de plus en plus de mal à cloisonner la lutte contre l’excision par rapport à la circoncision.
  • Traiter les 4 grands segments de circoncision : juif
    • s’appuyer sur les développements internes : par exemple le colloque 2015 organisé en défense de la circoncision juive a paradoxalement été accablant pour la circoncision à 8 jours
    • puisque la circoncision est dangereuse pour la santé du bébé, le judaïsme prévoit qu’il faut la reporter : Brit Shalom à 8 jours et Brit Milah à l’âge du consentement ?
  • Traiter les 4 grands segments de circoncision : musulman
    • communiquer sur les souffrances, notamment sur la dégradation du potentiel sexuel, en élargissant progressivement les canaux de communication
    • soutenir les réseaux anticirconcision issus de populations de culture musulmane
    • accueillir des experts issus de la culture musulmane pour conseiller les anticirconcision (Mohamed Fahmy par exemple !).

Efficacité comparée des stratégies « force du droit » versus « voie de la compassion »

  • Voir en annexe le courriel adressé à Brian Earp en mai 2020
  • Stratégie anticirconcision à haut risque : tout miser sur « la force du droit »
    • discutable « droit à l’intégrité physique », qui n’existe d’ailleurs même pas en droit mondial : les anticirconcision sont-ils vraiment opposés à l’éducation des plus jeunes, qui entraîne pourtant une modification physique de leur cerveau, une atteinte à leur « intégrité physique » non consentie et sans raison médicale ?
    • discutable « droit à disposer de son corps » absolutiste : les anticirconcision veulent-ils vraiment se mettre à dos les féministes qui luttent avec acharnement pour abolir la prostitution, même librement consentie ? ou ceux qui luttent contre les délétères drogues de rue, à l’encontre de « l’autonomie » sur son propre corps ?
    • discutables « droits de l’enfant » : la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de 1989, voulant bien faire, a pourtant confirmé la « minorité » juridique des plus jeunes, qui permet précisément de les circoncire de force. N’y a-t-il pas mieux à faire ?
  • Quelle stratégie juridique pour le futur ? Ce thème pourra être développé à l’occasion d’un autre symposium :
    • à l’exemple des féministes qui ont réussi à mettre fin à la « minorité juridique » des femmes en Occident après 2 siècles de lutte, les anticirconcision devraient viser la fin des discriminations à l’encontre des plus jeunes en mettant fin à leur « minorité juridique », ce qui mettrait radicalement fin à leur circoncision forcée : cette égalité des droits sans l’arbitraire de l’âge est précisément l’objectif du kiddism
    • mettre fin au hold-up judéo-chrétien de 1948 sur les droits fondamentaux*, en promouvant une réécriture progressiste de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont découle le reste de l’architecture juridique pays par pays. Par exemple, le droit à fonder une « famille » précise à l’article 26 que « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants », confirmant des droits d’une certaine catégorie de citoyens – les parents – sur une autre catégorie de citoyens – les enfants –, ouvrant la porte à la circoncision forcée des uns par les autres.

* voir pages 121-123

Stratégie d’alliances

  • Certains aspects de la stratégie anticirconcision, comme l’ambitieuse stratégie juridique, sont impossibles à mettre en oeuvre sans alliances
    • en première étape, développer The Bodyguards pour unir les 4 genres de mutilation sexuelle : féminin, masculin, intersexe, et même transgenre (nombre de pays obligent les transgenres à se faire stériliser pour obtenir un changement de sexe médicalisé)
    • en deuxième étape rassembler les « alliés latéraux » (féministes, kiddists, laïcs…), via un Appel au Débat élargi au monde entier
    • en cible, favoriser une union algoprioritariste la plus large possible et puissante politiquement en rejoignant l’Alliance Algosphère.
  • Niveau avancé de la voie de la compassion
    • Quand un enfant se pince les doigts dans une porte, il lui arrive d’y flanquer un coup de pied rageur : cela nous semble irrationnel !
    • Pour être efficace dans la lutte contre la circoncision, il faut renoncer à la rage contre les procirconcision, ne pas être dans l’agressivité et la confrontation mais uniquement dans la recherche de solutions, dans la bienveillance et dans une démarche sincèrement inclusive de leurs inquiétudes :
      • oui l’interdiction de la circoncision à 8 jours peut être vécue comme l’ombre du retour de la Shoah pour les Juifs, tant la circoncision est au fondement de cette religion-ethnie qu’est le judaïsme. Menacer la circoncision peut être vécu comme une menace pour la survie du Peuple lui-même, comme une menace génocidaire. Il nous faut bien comprendre cette angoisse existentielle : fin de la circoncision, fin du judaïsme, fin du Peuple juif.
    • Pour aboutir à l’efficacité maximale dans « la voie de la compassion », il faut comprendre l’illusion de l’ego et donc l’illusion du libre-arbitre, ces découvertes scientifiques qui sont assez récentes en Occident. Comprendre l’illusion du libre-arbitre permet de se convaincre que la porte n’a pas « choisi » de me pincer les doigts et qu’il ne sert à rien de lui retourner un coup de pied, ou de comprendre que les procirconcision ne « décident » jamais de circoncire et qu’on ne doit donc pas les haïr de le faire.
    • Comprendre l’illusion de l’ego est essentiel pour inclure les procirconcision dans la sphère de notre bienveillance, en vue d’une collaboration de tous pour un allègement maximal des souffrances.
  • Quelle perspective pour The Bodyguards ?
    • 2020 – mettre au point un cadre stratégique valable mondialement, en vue de l’abandon de la circoncision
    • 2021 – développer des synergies entre les stratégies locales de chaque organisation et la stratégie mondiale
    • 2021 – développer des actions communes à plusieurs membres de The Bodyguards, par exemple des plans conjoints de prévention excision/circoncision

Annexe : courriel adressé à Brian Earp en mai 2020

Efficacité comparée des 2 stratégies « force du droit » versus « voie de la compassion »

Un changement sociétal profond, comme l’abandon de la consommation de tabac ou de la circoncision, rencontrera d’autant moins de résistances que les souffrances engendrées par le changement seront réduites. L’algoprioritarisme, ou de façon plus volontariste et attentionnée aux besoins des autres « la voie de la compassion », est donc particulièrement efficace en terme de conduite du changement puisqu’elle favorise la recherche de solutions en ce sens. En effet, contrairement à l’approche par la force du droit, opter pour la compassion incite les anticirconcision à inventer des solutions pour réduire les souffrances des procirconcision qui se sentent menacés dans leurs traditions, voir dans leur survie même en tant que Peuple (cas des Juifs pour qui la circoncision au 8e jour est au fondement de leur ethnie-religion). Au final, un changement guidé par la compassion engendrera moins de souffrances que si les anticirconcision tentent d’imposer leur point de vue par la force, en l’occurrence la force du droit, que ce soit « le droit à l’intégrité physique » (qui à ma connaissance n’existe pas dans le droit international mondial actuel, mais seulement dans le droit européen) ou « les droits des enfants » (qui ont confirmé en 1989 la domination des adultes sur les plus jeunes, au lieu d’y mettre fin par une pure et simple égalité en droit quel que soit l’âge de l’individu : voir la section kiddism du dossier de presse de l’Appel au débat de DaC).

Alors que l’approche par la force du droit est une logique de l’affrontement entre 2 forces qu’on met dans une opposition assez violente, procirconcision versus anticirconcision, au contraire, la voie de la compassion met en convergence ces 2 forces puisque leur intérêt est de réduire le plus possible la souffrance :

  1. Pour préserver leurs traditions, les procirconcision vont essayer de réduire la souffrance des circoncis, par exemple en utilisant l’anesthésie pour la circoncision néonatale, ce qui serait un progrès majeur en attendant l’abandon de cette pratique, compte tenu de la douleur particulièrement intense dont sont victimes les bébés, et depuis des millénaires !
  2. Les anticirconcision vont devoir faire un effort pour trouver des solutions pour réduire la souffrance des procirconcision sur le chemin de l’abandon, par exemple en inventant des rituels alternatifs de type Brit Shalom, ou des plans de reconversion économique pour les exciseuses, ou la cigarette électronique pour les fumeurs.

Avec la voie de la compassion, on est dans une démarche de collaboration entre procirconcision et anticirconcision, aux antipodes de la conflictualité, ce qui est davantage susceptible de réduire les freins au changement (de la part des procirconcision mais aussi des anticirconcision qui doivent accepter de faire un pas vers les procirconcision).

Puisque le défi majeur des anticirconcision à moyen terme est la circoncision musulmane (en terre d’islam et en Occident), il vaut mieux éviter à tout prix une logique de confrontation, mais opter radicalement pour une logique de persuasion. Si la circoncision est abandonnée momentanément sous la contrainte, elle refleurira à la première occasion : nous sommes condamnés à un exigeant travail de persuasion de fond pour être durable. Par ailleurs, il est aventureux de croire qu’on puisse tenir un double langage consistant :

  • pour mettre fin à la circoncision en Occident, à revendiquer des « droits » tout en passant sciemment sous silence l’argument de  la souffrance,
  • à contredire ce discours au moment de communiquer avec les musulmans sur le registre persuasif de la souffrance, à l’heure d’une extrême mondialisation de la communication et à cause des populations musulmanes qui font passerelle entre terres d’islam et Occident. […]