« Plus c’est long, plus c’est bon » ? Circoncision : Zahra témoigne

Croyante et pratiquante, Zahra (le prénom a été changé) a dû faire un gros travail sur elle-même lorsqu’elle a découvert que la circoncision de son mari impactait négativement leur sexualité. Il lui a fallu du temps pour se confier et nous livrer son témoignage.

Image d’illustration

Témoignage

Je suis croyante et pratiquante et dans ma religion les hommes sont circoncis. J’étais heureuse de présenter à mes parents pratiquants un homme de ma communauté dont j’étais très amoureuse.

Il y a quelques années, sur un groupe Facebook pour une éducation sans Violence Éducative Ordinaire (VEO), j’ai croisé un membre de Droit au Corps qui répondait à une question : faut-il décalotter mon petit garçon comme le suggère mon pédiatre ? Bien que n’étant pas concernée, par curiosité et avec l’arrière pensée « ben heureusement chez nous on ne se pose pas de questions », j’ai lu la conversation. Et là, cela a été un choc terrible !

J’y apprends deux choses :

  • le prépuce est utile pour l’homme et c’est même sa principale zone érogène ;
  • encore plus surprenant, il est utile pour la sexualité de la femme.

Je ne sais pas comment décrire le sentiment qui m’envahit : mon rythme cardiaque s’accélère, je me mets à trembler et en même temps je suis fascinée par cette discussion. Elle va durer 3 jours et pendant cette période, je suis allée jusqu’à régler les notifications sur Facebook et je ne laisse jamais mon téléphone loin de moi pour suivre cette discussion avec une sorte de curiosité malsaine. 

Qu’est-ce qui fait écho en moi au point d’avoir ces sensations physiques (rythme cardiaque accéléré et tremblements) ?

Au bout d’une semaine, je ne tiens plus et je contacte en privé la personne de Droit au Corps pour approfondir la question de la sexualité de la femme. Je me sens en confiance avec cette personne qui poste peu sur le groupe Facebook mais toujours avec bienveillance et beaucoup de bon sens. Je me surprends à lui livrer mon intimité comme je ne l’avais fait avec personne car dans ma famille la sexualité est assez tabou.

Je reçois les explications qu’elle me livre avec un mélange de soulagement et d’horreur en même temps. Soulagement parce que j’ai enfin des explications sur des questions qui me taraudaient et horreur car elles attaquent ma religion. En tout cas c’est comme ça que je le vois à ce moment. Je refuse catégoriquement de témoigner même anonymement car pour moi cela aurait été comme une sorte de trahison envers ma religion.

Dernièrement, elle est revenue prendre de mes nouvelles, j’étais heureuse de lui parler de  mon évolution depuis cette première période et j’accepte de partager mon expérience avec l’espoir qu’elle pourra servir à d’autres femmes et couples.

Je me suis mariée vierge et je n’ai jamais connu d’autre homme que mon mari, je n’ai donc aucun comparatif. Après mes premières expériences sexuelles, j’ai eu du mal à comprendre cette légende autour de la sexualité et du plaisir qu’on décrit dans la littérature, les médias… Je ne ressentais rien de tout ça. L’envie, l’excitation étaient là, mais pas le grand pied attendu. Je me fais donc une raison.

Cependant avec le temps commencent les problèmes : douleurs pendant les rapports puis infections urinaires et gynécologiques. Mes gynécologues me disent tous la même chose : certaines femmes sont plus sensibles que d’autres. En fait c’est super culpabilisant. Je précise qu’aucun ne m’a questionnée sur la circoncision ou non de mon conjoint, à croire qu’ils n’ont pas conscience de l’importance de cette question.

Avec mon conjoint nous convenons d’espacer nos relations sexuelles afin que j’ai un peu de répis. Voici comment elles se passaient. Mon mari est du matin et moi je travaille le soir après le coucher des enfants. Il programmait donc son réveil les jours où il souhaitait une relation, à 5 h. Moi à ce moment-là je dors profondément. Pourquoi si tôt ? Parce qu’à 6h30 dernier délai nous devions nous lever, préparer les enfants pour l’école à 8h.

Après une ou deux minutes il arrivait à provoquer la lubrification qu’il interprétait comme : si elle lubrifie, elle est excitée. Or l’excitation vient plus lentement pour les femmes que pour les hommes. Il interprétait cette lubrification comme une invitation au coït, comme si la sexualité était avant tout un coït. Et moi, encore à moitié endormie et sans autre expérience que celle de mon mari, je ne savais pas ce que je pouvais faire pour améliorer cette situation.

Donc moins de 5 minutes après mon réveil il y avait pénétration, mais l’orgasme de mon mari n’arrivait qu’entre 1 heure et 1 heure 30 plus tard ! Non parce qu’il faisait durer le plaisir mais il lui fallait tout ce temps pour y arriver avec une concentration extrême. Il n’était pas avec moi mais plongé dans ses fantasmes. Bien sûr il fallait utiliser du lubrifiant à plusieurs reprises (seul vrai conseil des gynécologues sur ce problème) sinon mon vagin pouvait aller jusqu’à saigner. Les draps et alèse devaient systématiquement être lavés après chaque rapport tellement ils finissaient trempés. Je ne sais pas combien de pulsations cardiaques mon mari atteignait mais c’était impressionnant. Je me levais la première car il lui fallait un peu de temps pour récupérer.

Voilà en quoi la discussion avec la personne de votre association résonnait en moi. Tous mes problèmes : dyspareunies, infections urinaires et gynécologiques, pourraient venir de la circoncision de mon mari. Juste impossible à imaginer pour moi. C’était une insulte à ma religion. Je coupe à ce moment la conversation avec la personne qui m’apportait une telle mauvaise nouvelle.

Oui mais que faire ? Je souffre et je me demande si mon couple n’est pas en danger avec le temps.

Je décide alors de me confier pour la première fois à mes amies. Ma meilleure amie est aussi croyante et pratiquante, mais catholique. Indépendamment du fait qu’elle est ma meilleure amie, le fait qu’elle n’appartienne pas à une communauté qui circoncit était un plus pour moi. J’ai toujours aimé notre respect mutuel pour nos convictions religieuses.

Sa réaction me sidère : « ma pauvre ! » Comment ça, ma pauvre ? Elle me répond qu’en gros pour elle et son mari il y a un quart d’heure de préliminaire et un quart d’heure de coït.

  • Et tu prends ton pied ?
  • Bin ouais, quasiment à chaque fois.
  • Et ce n’est jamais plus long ?
  • Si, mais les préliminaires, pas le coït. L’important est de savoir trouver les zones érogènes de l’autre et pas la durée.

Je questionne par la suite quatre de mes sœurs et cousines (dont les maris sont circoncis) sans pour autant parler de la circoncision et de mes découvertes, car je suis au sein de ma communauté et ça me fait peur d’en parler vu que la conversation sera nécessairement douloureuse. L’une considère sa sexualité comme parfaitement épanouissante et les trois autres ont eu des problèmes récurrents soit de dyspareunies, d’infections urinaires ou gynécologiques, mais aucune ne décrivait un problème comme le mien.

Un vendredi soir, alors que les enfants étaient absents tout le week-end, je me lance dans une explication avec mon mari. Il m’écoute et je lui montre quelques pages du site Droit au Corps, et l’étude du Dr danois Morten Frisch qui s’intéresse entre autre à l’impact de la circoncision sur la sexualité de la femme. Etrangement il ne dit rien, mais d’un coup il se met à hurler : « Ce sont des conneries, je ne veux plus jamais en entendre parler ! J’espère que c’est bien compris. Tes problèmes ne sont pas de ma faute. »

Bien que je comprenne le choc pour lui, je suis profondément blessée. Pour la première fois je lui livre que je souffre ainsi que le pourquoi, et il me culpabilise alors que ce n’est pas lui que je prends pour le responsable mais sa circoncision. Il avait ramené du travail à la maison et je ne le vois pas de tout le week-end. Ce qui m’arrange au fond car ce n’était pas le week-end que j’avais imaginé.

Dimanche soir alors je suis déjà couchée, il vient dans le lit, se blottit contre moi et se met à pleurer. Je n’en reviens pas. Il dit qu’il ne veut pas me perdre et qu’il n’avait pas ramené de travail. En fait, il a passé tout le week-end sur le net. Il a trouvé des sites en faveur de la circoncision, mais il semble avoir été touché par des témoignages d’américains circoncis bébés.

Son raisonnement a été le suivant : si des hommes circoncis si petit, donc sans souvenir, pour des raisons non religieuses souffrent, il n’y a aucune raison que des hommes circoncis pour des raisons religieuses n’en souffrent pas. Il a trouvé des témoignages en ce sens que l’auteur soit juif ou musulman.

Sa deuxième réflexion que j’ai aussi partagée : serait-il un moins bon croyant avec son prépuce ? Est-ce le prépuce qui fait que les hommes sont moins bien jugés lors de leur passage dans l’autre monde ?

Il me confie qu’il a été en couple avec une femme avant moi qui l’a quitté en lui disant qu’il ne la satisfaisait pas au lit. Sa peur de me perdre a été plus forte. 

Il n’en revient pas de savoir qu’il avait un frein et une bande striée et que les deux sont hautement érogènes. Il comprend que c’est ça qui manque à sa sexualité : il n’a pas trouvé de technique lui permettant d’atteindre la jouissance, d’autant plus qu’il n’arrive pas à obtenir d’érection par stimuli physique (un stimuli cérébral est indispensable).

Nous avons décidé de nous faire aider et au bout de quelques mois nous avons osé passer des week-end basés sur la sexualité du couple. Les sexologues et psychologues qui sont intervenus n’avaient pas de connaissances particulières sur les conséquences de la circoncision, mais il y avait un couple maghrébin dans la soixantaine et la femme était elle très au fait du sujet ayant eu comme moi des difficultés importantes. Contrairement à moi, c’est elle qui a soupçonné la circoncision de son mari comme responsable de ses maux. Elle m’a appris une chose que je n’avais encore jamais lue : les hommes intacts ont un coït avec moins d’amplitude du fait d’une meilleure stimulation du frein dans le vagin et de ce fait ils restent en contact permanent avec le clitoris de leur compagne, gage d’un orgasme plus évident à obtenir et intense pour elle.

Il nous a fallu beaucoup d’amour (et d’entraînements) pour améliorer notre vie amoureuse, mais cela en valait vraiment la peine aussi bien pour lui que pour moi. Nous avons le sentiment d’une nouvelle lune de miel. La première des choses que nous avons faite a été de retrouver une peau plus fine sur le gland (avec des crèmes et huiles hydratantes). Pour le reste, c’est à chaque couple de trouver son chemin dans l’écoute et le respect, mais surtout la communication sans tabou.

Je remercie le créateur qui m’a donné trois filles, je n’aimerais pas le fait d’avoir pu par ignorance couper le sexe de mon enfant ou peut-être encore pire à mes yeux : avoir eu à affronter ma famille en renoncant de le faire à mon fils.

Pour cette dernière raison, je suis heureuse de témoigner pour aider d’autres couples mais je ne pense pas que je pourrais militer comme vous le faites dans l’association. En tout cas avant longtemps, même si au fond de moi, je souhaite qu’on juge plus un être dans sa foi que dans son caleçon.

Zahra

PS : je ne peux plus entendre l’argument « plus c’est long, plus c’est bon », qui est souvent énoncé pour justifier la circoncision. Dans notre cas, c’était une souffrance ! Je souhaite que cet argument se retrouve dans le titre du témoignage pour attirer l’œil du lecteur et lui faire comprendre que ça peut au contraire être un sérieux inconvénient. [Note de Droit au Corps : précisons que la science est incertaine concernant l’impact de la circoncision sur l’éjaculation précoce, qui peut aller dans les 2 sens voire être nul.]

Note de Droit au Corps : liens insérés dans le texte par nous.