Mutilations sexuelles : actualité du mois de décembre 2014

Droit au Corps vous propose chaque mois un retour sur l’actualité concernant les mutilations sexuelles féminines, masculines et intersexes. Voici ce qu’il fallait retenir en ce mois de décembre 2014.

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Sommaire :

  1. États-Unis : les CDC proposent des directives sur la circoncision
  2. Actualité concernant la circoncision
  3. Actualité concernant l’excision
  4. Actualité concernant les mutilations sexuelles intersexes

États-Unis : les CDC proposent des directives sur la circoncision

Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention – CDC) ont publié mardi 2 décembre une proposition de directives à destination des prestataires de santé américains afin d’aider ces derniers à conseiller leurs patients sur la circoncision masculine.

Les CDC proposent que les parents de nouveau-nés, enfants ou adolescents de sexe masculin ainsi que les adolescents et adultes de sexe masculin soient informés des bénéfices et des risques de la procédure.

CDC Centres pour le contrôle et la prévention des maladies

Il est important de préciser que les CDC ne recommandent à aucun moment la circoncision, contrairement à ce que certains médias ont pu rapporter. Cette proposition reste malgré tout inquiétante car elle risquerait notamment, en cas d’entrée en vigueur, d’influencer de nombreux parents américains à faire circoncire leur(s) enfant(s), lesquels ne peuvent fournir un consentement libre et éclairé.

« Les preuves scientifiques établissement clairement que les bénéfices [de la circoncision] dépassent les risques », a ainsi déclaré le Dr Jonathan Mermin, Directeur du Centre national du VIH, des hépatites virales, des infections sexuellement transmissibles et de la prévention de la tuberculose aux CDC.

La proposition a été soumise à la consultation publique et peut donc faire l’objet de commentaires sur cette page officielle jusqu’au 16 janvier 2015.

Une spécificité américaine

Cette proposition des CDC n’est pas surprenante : elle fait suite à la dernière politique de l’Académie Américaine de Pédiatrie (American Academy of Pediatrics – AAP) qui avait estimé en 2012 que les bénéfices de la circoncision l’emportaient sur les risques, sans aller là non plus jusqu’à recommander la procédure.

De vives critiques avaient alors été formulées. On se souvient notamment que plusieurs dizaines de médecins européens, dont des représentants d’associations médicales nationales, avaient rédigé un article qui dénonçait la politiques de l’AAP et pointait les biais culturels des médecins américains en faveur de la circoncision.

Ces dernières années, plusieurs associations médicales de premier plan se sont clairement prononcées contre la circoncision non thérapeutique des enfants.

Pour ce qui est de la France, Medscape note que « si l’[Association Française d’Urologie] ne s’est pas officiellement positionnée contre la circoncision en prophylaxie, le Dr Castagnola […] souligne avant tout l’absence de bénéfice médical et les risques de complications, mais aussi les problèmes éthiques que soulève cette chirurgie. »

D’où vient cette obsession américaine pour la circoncision ? Quand et comment la pratique s’est-elle diffusée ? Pour le savoir, lire notre article : La circoncision aux États-Unis : pourquoi ?

Critiques adressées aux CDC

Cette publication des CDC a bien évidemment soulevé de nombreuses critiques de la part de professionnels de santé, d’organisations intactivistes et de défense des droits de l’enfant, dont nous vous fournissons ici quelques exemples.

L’association NOCIRC of Michigan a organisé un événement où des experts sont venus discuter des problèmes médicaux et éthiques que pose la circoncision non thérapeutique imposée aux enfants, rapporte The Michigan Daily.

Intact America a réagi dans un communiqué de presse et a publié un guide indiquant la marche à suivre pour protester contre la proposition des CDC.

L’association Attorneys for the Rights of the Child (Avocats pour les droits de l’enfant) a également réagi en la personne de son président, Steven Svoboda. « Malheureusement, le CDC a choisi d’ignorer les preuves médicales pour essayer de justifier une pratique culturelle (et non médicale) dépassée et douloureuse, » a-t-il commenté.

Le psychologue Ronald Goldman, directeur du Circumcision Resource Center (Centre de ressource sur la circoncision), a déclaré à Associated Press que les directives du CDC « font partie d’un biais culturel et médical américain de longue date et tentent de défendre cette opération chirurgicale traumatique. »

Le docteur Avshalom Zoossmann-Diskin, directeur de l’association israélienne Ben Shalem, a accordé un entretien téléphonique à TLV1. « C’est une question de droits humains, » a-t-il dit. « Vous n’êtes pas autorisé à amputer des organes sains de mineurs non consentants, même si vous pensez que cela va prévenir certaines maladies. » (écouter l’interview)

À lire également, l’analyse du site Internet Circ Watch, qui prend soin de rappeler que les CDC sont loin de recommander la circoncision et que leur position est par plusieurs aspects plus équilibrée que celle de l’AAP. Circ Watch ne manque pas de signaler différents problèmes dans les travaux des CDC, notamment l’omission de certaines études européennes majeures (Frisch 2011 et Bronselaer 2013) et surtout une absence totale de discussion sur le rôle et le fonctionnement du prépuce.

Tout comme l’auteur de l’article, nous ne résistons pas à citer le docteur Fleiss, qui écrivait dans un livre publié en 2002 :

Des informations précises sur le prépuce lui-même sont presque toujours absentes des discussions sur la circoncision. Comment les parents peuvent-ils prendre une décision rationnelle sur la circoncision quand on ne leur dit rien au sujet de la partie qui sera coupée ?

Paul M. Fleiss – What your doctor may not tell you about circumcision.

Mise à jour : de nouvelles réactions sont apparues dans les semaines qui ont suivi.

En voici quelques unes : 

Manifestations intactivistes

Une série de manifestations organisées par des groupes intactivistes ont eu lieu dans plusieurs villes des États-Unis pour protester contre la proposition des CDC, et d’autres sont à venir.

Manifestation intactiviste contre la proposition du CDC sur la circoncision

Manifestation à San Francisco, le 27 décembre 2014 (cliquer pour afficher en taille réelle).

Manifestation intactiviste directives circoncision CDC 2014

Devant les locaux du CDC à Atlanta, le 12 décembre 2014 – Au centre, notre ami Jonathan Friedman (qu’une tendinite de la cheville n’a pas empêché d’être présent 😉 ).

Les messages de protestation ont également envahi les réseaux sociaux, comme le rapportent The Inquisitr ou encore The Daily Beast.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la proposition des CDC a reçu plus de 1600 commentaires (1491 validés), dont l’écrasante majorité se montrent hostiles à la circoncision non thérapeutique forcée des enfants.

Environ 58 % des nouveau-nés américains de sexe masculin sont encore victime de la procédure dans les hôpitaux, d’après des chiffres du gouvernement américain publiés en août 2013.

Actualité concernant la circoncision

États-Unis

Nouveau cas d’herpès suite à une circoncision rituelle

À New-York, un nouveau cas d’herpès a été constaté chez un bébé après que celui-ci ait subi une circoncision rituelle juive associée à un rite controversé, le metzitzah b’peh, au cours duquel le mohel (circonciseur juif) exerce une succion orale sur le sexe du bébé tout juste circoncis, acte supposé nettoyer la blessure. D’après les responsables de santé de la ville, il s’agit du 4ème cas d’herpès cette année et du 17ème depuis 2000 résultant de cet acte, rapporte Haaretz.

Il est important de signaler que la vaste majorité des cérémonies de circoncision juive n’incluent pas le metzitzah b’peh.

Quelques jours plus tard, le quotidien Haaretz a publié un article appelant le maire de New-York a bannir le rite « avant qu’un autre bébé ne meure ».

Suite de l’affaire Chase

Si vous avez lu notre bilan du mois dernier, vous savez que Chase est un petit garçon qui vit sous la menace d’une circoncision.

Malheureusement, nous apprenons ce mois-ci que la demande de la mère de Chase d’amener l’affaire devant la cour suprême de Floride a été rejetée. Plus rien ne semble donc pouvoir arrêter la circoncision forcée du petit Chase.

Plusieurs manifestations sont néanmoins prévues dans les prochains jours. N’hésitez pas à suivre la page Facebook de soutien.

Sun Sentinel (reportage vidéo) – The Inquisitr

Afrique

Kenya

Nous en parlions le mois dernier, les programmes de circoncision de masse actuellement en cours en Afrique pour lutter contre le VIH / SIDA ne visent pas seulement les hommes adultes et volontaires, mais s’étendent de plus en plus aux nouveau-nés.

Ce mois-ci, le quotidien The Star rapporte qu’un projet pilote pourrait, en cas de succès, étendre la circoncision aux nouveau-nés du pays.

« Alors que la circoncision masculine adulte devient plus courante, la demande pour la Circoncision Masculine Infantile (CMI) va probablement augmenter, » avait noté Marisa Young, directrice du projet, dans une étude publiée en 2012 dans le journal Pediatrics.

Depuis janvier 2014, ce sont 600 bébés âgés de un à soixante jours qui ont été circoncis dans le cadre du programme pilote.

Zimbabwe

Un homme qui avait circoncis ses deux garçons avec un coupe-ongle le mois dernier a été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement (Nehanda Radio).

Actualité concernant l’excision

Europe

« Le Conseil de l’Europe et Amnesty International s’attaquent aux mutilations génitales féminines. Ils ont publié un guide fin novembre destiné à promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes. Un fléau qui touche le continent Européen. » Ecouter le reportage de France Info.

France

Le compte-rendu du colloque intitulé « Excision, comment en parler aux jeunes filles ? », qui s’est déroulé le 10 octobre dernier au Conseil Régional de Bourgogne, est à présent disponible (lire au format PDF).

À l’occasion de la journée internationale de lutte contre les mutilations sexuelles féminines du 6 février 2014, le ministère des Droits des femmes a élaboré un dépliant d’information (lire format PDF).

Royaume-Uni

Les périodes de vacances sont synonyme de risque pour certaines filles issues de communautés où l’excision est la norme. Il est en effet habituel que des filles soient emmenées dans le pays d’origine pour y subir une mutilation. C’est pourquoi la police a été encore une fois très vigilante au sein des aéroports à l’occasion des vacances de fin d’année (Figo.org).

Afrique

Kenya

La Présidente de la Commission de lutte contre les mutilations sexuelles féminines, Linah Kilimo Jebii, a appelé les dirigeants à travers le pays à contribuer davantage à l’éradication de l’excision des filles.

Reportage de la chaîné KTN Kenya sur la situation :

Ouganda

Sande Geofrey, directeur du Programme  du Comité Inter-African contre les pratiques traditionnelles néfastes en Ouganda, a accordé un entretien à Excision, parlons-en.

« D’une façon évidente, il y a eu des changements. Il est maintenant très difficile sinon impossible pour les pro-excision de convaincre des jeunes informés et éduqués d’accepter la pratique. La pratique est maintenant concentrée dans les zones rurales difficiles à toucher où les adolescents ne sont pas informés et qui sont devenues nos cibles, » a-t-il notamment indiqué.

Des personnes gagnant leur vie en pratiquant des excisions disent que la pratique continuera si des sources alternatives de revenu ne leur sont pas fournies, d’après une étude conduite dans plusieurs régions du pays, rapporte New Vision. Il existe en effet une dimension économique importante à prendre en compte dans la lutte contre les mutilations sexuelles.

C’est en partant de ce constat qu’un projet consistant à apprendre un nouveau métier (celui de couturière) à d’anciennes exciseuses a vu le jour en Côte d’Ivoire.

« L’excision est un rituel pratiqué par les femmes. C’est un métier pour elles : les exciseuses sont payées et font vivre des familles, voire des villages entiers, avec cet argent. Aller sur place et dire que c’est mal n’est pas suffisant et ne prend pas en compte cette dimension économique. Mon idée est de leur proposer une nouvelle activité, plus rémunératrice, plus valorisante pour elles, aussi », a expliqué Adeline Faure, qui est à l’initiative du projet.

Isabelle Gillette-Faye, directrice du Groupe d’abolition des mutilations sexuelles (GAMS), a commenté le projet : « C’est une véritable émancipation pour ces femmes. Elles ont là un nouvel outil de travail qui leur permet d’abandonner le couteau. » (lire l’article du Parisien)

Guinée Bissau

« La justice a requis une peine de 3 ans de prison assortis d’une amende de 500.000 FCFA à l’encontre d’une femme qui avait fait exciser ses trois filles. L’exciseuse écope de la même peine tandis que le père d’une des filles a été condamné à 12 mois de prison assortis d’une amende de 187.000 FCFA. » (Koaci.com)

Sénégal

L’Agence de Presse Sénégalaise rapporte que 121 villages et hameaux de deux départements du pays ont pris l’engagement d’abandonner définitivement les pratiques de l’excision, des mariages des enfants et des mariages forcés des filles au sein de leurs communautés (lire l’article).

Sierre Leone

« L’épidémie de fièvre hémorragique Ebola qui frappe la Sierra Leone depuis huit mois a déjà tué près de 1 600 personnes sur les 7 300 cas enregistrés. Une tragédie pour ce pays pauvre qui est le plus touché par le virus et où l’épidémie continue de s’étendre. Mais un effet collatéral inattendu est apparu récemment : la peur d’Ebola a presque fait disparaître la pratique des excisions dans le pays. » (RFI)

Australie

Une femme accusée d’avoir mutilé le sexe de deux filles passera en procès au mois d’août prochain, rapporte The Guardian.

La police fédérale australienne a confirmé au Guardian qu’une enquête était en cours concernant une petite fille de la ville de Brisbane, qui aurait été emmenée dans un pays d’Afrique par son père pour y subir une mutilation sexuelle.

Les mutilations sexuelles féminines sont illégales dans tous les états d’Australie, de même qu’il est illégal d’emmener une fille hors du pays pour lui faire subir la pratique.

Mutilations sexuelles intersexes

L’Organisation Internationale des Intersexes (OII) signale sur son site Internet que le gouvernement de Malte a publié un projet de loi portant sur le droit à l’intégrité physique et à l’autonomie pour tou-te-s les personnes. L’OII a adressé un courrier pour féliciter le gouvernement maltais (lire au format PDF).

Yagg.com a publié un article portant sur les difficultés auxquelles sont confrontés les enfants transgenres et intersexes. Extrait :

« Outre l’urgence de mettre un terme aux traitements de normalisation pratiquée sur ces enfants sans leur consentement éclairé, Erik Schneider signale aussi la nécessité de mieux accompagner et de sensibiliser les parents d’enfants intersexes, qui, par manque d’informations, se retrouvent sous l’influence du corps médical qui ne proposent pas d’alternatives aux interventions chirurgicales irréversibles dont l’intérêt est essentiellement esthétique et normalisateur. »

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