Sexualité avec un circoncis : « J’ai le sentiment d’un sexe qui ne serait plus vivant »

Marie (le prénom a été changé) est actuellement en couple avec un homme circoncis (dont le frein, en plus du prépuce, a été retiré). N’ayant jusque-là rencontré que des hommes intacts, elle a pu constater un manque en matière de sexualité. Dans son témoignage, elle explique les différentes épreuves qu’elle et son compagnon ont dû surmonter.

couple homme femme couché soleil dos

Image d’illustration.

Note : Les témoignages publiés par Droit au Corps ont été sélectionnés pour leur intérêt, même s’ils ne reflètent pas nécessairement les positions de l’association.

TÉMOIGNAGE 

« Je suis une femme française de 50 ans et mon conjoint a 10 ans de moins. Je précise que ni l’un ni l’autre ne sommes au début de notre vie sexuelle. Lui est africain et dans son pays, les garçons aussi bien catholiques que musulmans sont circoncis vers l’âge de 7/8 ans : c’est le passage obligé pour devenir un homme.

Au début de notre relation, je lui pose la question : “C’est quoi ton problème avec le sexe ?” Elle semble le surprendre, car il ne pense pas avoir de problème. Moi, de mon côté, je passe en revue notre relation pour comprendre ce qui me dérange. Je finis par trouver le mot qui correspond exactement au sentiment que j’éprouve : notre intimité manque de “subtilité”. Ce mot me parle et, pour donner un exemple, il est le seul homme qui m’ait donné des bleus au pubis ! Ce dernier reste douloureux au moins une semaine ! Ça donne une idée de la vigueur qu’il y met. Ce n’est pas désagréable si l’excitation est bien là, mais ce qui me perturbe, c’est tout ce qui manque entre nous.

Et là me saute aux yeux ce que je n’avais pas voulu voir immédiatement (mais finalement, quoi de plus normal ? En matière de sexualité, on “vit”, on “n’analyse pas”) : sa circoncision ! Note : il s’agit ici d’une circoncision totale : prépuce et frein ont été enlevés.

Toute femme attentive au plaisir de son homme sait parfaitement où placer ses doigts ou sa langue pour le rendre dingue. Et chez lui, je ne retrouve pas ce que j’appelle mes “joujoux”, c’est-à-dire le prépuce et le frein.

Je vais écrire un mot fort, mais représentant bien mon sentiment du moment : c’est quoi ce “morceau de viande” ?! J’ai le sentiment d’un sexe qui ne serait plus vivant.

Il est le premier homme que je rencontre qui me dit ne pas aimer la fellation : il ne ressent rien ! Mon dieu, quelle horreur, mais ce n’est pas possible ! C’est pourtant un échange tellement fort entre un homme et une femme. Comment vais-je faire avec ça ?

Je réalise entre autre qu’un homme circoncis ne peut pas stimuler le point G de sa partenaire avec son pénis, ou le lui faire découvrir de cette façon si elle en ignorait l’emplacement.

C’est la morphologie de la verge (la corolle de son gland, si particulière qu’il m’a fallu un peu de temps pour comprendre la fonction de ce renflement d’un coté) et du vagin qui permettent qu’à un endroit (relativement près de l’entrée du vagin), l’homme, de par sa sensibilité physique, s’attarde sur ce plaisir subtil (tiens revoilà ce mot) qu’il ressent et que la femme s’abandonne totalement à son plaisir puisque son partenaire est pile au bon endroit. Sans ce “joujou” (le prépuce et le frein), il manque des sensations et un échange particulier entre l’homme et sa partenaire.

Bientôt, il me semble évident que “prépuce + frein” = “clitoris”. Les deux ont besoin de beaucoup de délicatesse tant la frontière entre “délicieux”, “désagréable” et “douloureux” est étroite. Donc excision et circoncision, même chose, même mutilation ! Il s’agit de l’ablation de la zone érogène extérieure de la femme et de l’homme. Dans un sens, je considère même que cela peut être pire dans le cas de la circoncision, au plan de la relation sexuelle, car l’absence de clitoris n’intervient pas dans le plaisir de l’homme.

Enfin, le débat pourrait se poser, car une femme mutilée risque d’être moins excitée, ce qui peut avoir un impact sur le plaisir de son partenaire (il doit être plus difficile d’exciter une femme sans clitoris). Dans le cas d’un homme circoncis, l’absence de prépuce (et surtout du frein si celui-ci a également été retiré) joue un rôle important par un plaisir absent ou moindre pour lui et sa partenaire.

Au fil du temps, je finis par décortiquer mes sensations et toutes ces “subtilités” absentes. C’est finalement un exercice pas si facile à réaliser, mais au final fort enrichissant. Ça en devient presque obsédant pour moi. Voici les points que je découvre sur mon propre corps et mes désirs :

  • Le col de l’utérus n’est définitivement pas une zone érogène, au contraire. En ayant un coït énergique pour atteindre l’orgasme, l’homme est beaucoup trop dans cette région. Il convient de trouver un angle plus propice.
  • En parallèle de ce constat, je réalise à quel point il y a plusieurs zones ultra sensibles dans le vagin et que j’ai besoin que mon homme s’y attarde. Avec mes précédents partenaires, je ne me posais pas de question, ils savaient où aller. L’image qui me vient ici, c’est qu’en rentrant à la maison (le vagin), mon partenaire actuel se précipite dans la chambre à coucher, au fond, sans passer un moment “préliminaire” dans le séjour, à boire un verre, se faire un baiser, se déshabiller… avec beaucoup de douceur et de tendresse.
  • Troisième constat. Là il m’a fallu réfléchir pour écrire ce point, car il est tellement “subtil” que je ne mesurais pas son importance. Dans les préliminaires, lorsque vous donnez du plaisir à votre partenaire masculin, il le manifeste par des “hummm”, “ahhh” et quelques autres onomatopées non reproductibles. L’impact sur sa partenaire est très important ! Cela signifie : “toi, tu me donnes du plaisir !” Et l’enchaînement continue, la femme est excitée par le plaisir qu’elle donne et manifeste à son tour ce plaisir à son homme, et ainsi de suite.

Si l’homme ne ressent rien car réactif à aucune caresse (et l’étude de Morris Sorrells sur la sensibilité du pénis nous montre pourquoi cela pourrait être le cas) il ne prendra pas plaisir à ces échanges. Il se prête à “préparer” sa compagne mais elle aurait besoin de sentir non seulement son excitation, son envie, mais aussi que c’est elle qui les provoque. Tout comme les hommes, nous avons besoin d’être rassurées !

Comment avancer dans ma relation après de tels constats ?

Le début est difficile car déstabilisant. En plus de tout ce qui nous sépare, il y a ce point là que je dois comprendre, lui communiquer le plus délicatement possible et trouver une parade : je veux mon plaisir ! Le sexe est le ciment du couple. Si ce point n’évolue pas, mon couple n’a aucune chance ! Comment donc partager quelque chose qui n’est pas encore clair dans ma propre tête ? Quelque chose qui m’est extrêmement douloureux ?

De son coté, la circoncision est une pratique culturelle et là je m’affronte à très gros. Surtout qu’il est à 10 000 lieues de tout ce qui se passe dans ma tête et dans mon corps concernant ce sujet. Et puis au fond, est-ce que je veux vraiment continuer cette relation dans laquelle je ne vois pas d’épanouissement sexuel ? La réponse finit par être “oui” ! Si j’avais rencontré un homme avec une jambe en moins, aurait-ce été une raison suffisante pour ne pas poursuivre notre relation ? Non.

Donc mon homme est un “handicapé sexuel” et nous devons non seulement apprendre à faire avec, mais également à nous dépasser pour réussir à bien vivre cette situation !

J’entame donc ma croisade qui fut excessivement compliquée et douloureuse. Au début, il ne comprend absolument rien ! “Mais si, j’ai du plaisir, tu te trompes.” C’est vrai : comment moi, en tant que femme, pourrais-je mesurer le plaisir d’un homme ? C’est une bonne question. Simplement en effectuant une comparaison avec mes partenaires sexuels intacts et en constatant les différences et les manques, évoqués plus haut.

Puis le coté culturel devient central dans la conversation, car les circonstances veulent que ce soit l’âge pour son fils d’être circoncis. Ce bonhomme pleure même une journée entière parce qu’il n’est toujours pas circoncis et il réclame sa propre mutilation. Là, s’en est trop pour moi, mes sentiments me paralysent totalement. Suis-je capable de “sauver” cet enfant ? Je m’affronte à tellement gros. Nos sentiments sont ils assez forts pour entendre l’autre ? “Une femme ne veut pas d’un homme non circoncis”, “Il sera différent des autres, comment ne pas être rejeté ?” : tels sont les arguments que l’on me sert.

Heureusement, mon homme est très aimant et à l’écoute, et il finit par ne pas faire circoncire son fils, l’aidant même à formuler des réponses en cas de questionnement d’autrui.

Donc me voilà avec mon “handicapé sexuel”. Que faire maintenant ? Je ne trouve rien de plus simple que de parler ! Heureusement, je suis extravertie, je peux donc m’exprimer sans tabou.

Notre sexualité a progressé, et nous pouvons évoluer vers mieux encore, car jamais je n’avais autant partagé mes envies, mon plaisir, ceux de l’autre… Il a appris ce qu’il n’avait pu découvrir seul. Je l’ai guidé… Je ne sais pas si je pourrais oublier un jour qu’il lui manque le plus délicieux des joujoux, mais je trouve plus que satisfaction dans notre apprentissage commun des “secrets” de l’autre.

Puis-je oser quelques conseils ?

Un homme circoncis doit prendre conscience de son réel handicap. S’il le comprend, une très grande partie du chemin est déjà faite. Il doit savoir être à l’écoute du corps de sa partenaire et comprendre qu’un sexe intact est naturellement adapté aux relations sexuelles avec une femme. Il lui faut trouver la mesure qui manque. La communication est bien sûr importante et s’il a une compagne aimante, elle va l’aider. Pour lui, bien sûr, le mal est fait et malheureusement je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de solutions. Peut-être améliorer la finesse de la peau de son gland en hydratant celui-ci grâce à des crèmes adaptées. Cependant, voir ses performances s’améliorer devrait déjà être une satisfaction immense.

Pour une femme comme moi qui découvre la relation avec un homme circoncis et qui n’y trouve pas son confort habituel, rien n’est perdu, mais le chemin est difficile et la complicité du couple est importante. Vos relations sexuelles peuvent s’améliorer, soyez-en persuadée.

Il existe une troisième catégorie de personne à laquelle il faut penser, car c’est peut être la plus délicate : les femmes qui ne connaissent que des hommes circoncis. On les oublie, mais dans ce que j’ai expliqué plus haut : pour la découverte du point G, le pénis circoncis n’est pas le plus adapté !

Ces femmes n’ont connu que des relations sexuelles impactées par la circoncision de leur(s) partenaire(s). Et surtout, le jour où elles se retrouvent face à un intact, c’est l’inconnu total ! Elles doivent se demander quel est ce truc dont elles n’ont pas le mode d’emploi et dont elles ne connaissent pas l’extrême délicatesse qu’il nécessite. Deux attitudes peuvent exister : “je ne veux que ce que je connais” ou bien “partons à la découverte et vivons cette nouvelle aventure”. Mais comment ne pas être ridicule, comment apprendre ? La femme doit surtout communiquer avec son nouveau partenaire afin qu’il l’aide comme il aiderait une débutante. Et puis Internet est une invention merveilleuse pour rechercher et échanger des informations.

Finalement, j’adorerais un échange d’expérience sur le sujet, mais il faudrait qu’il soit sans agressivité, sans aspect religieux et surtout basé sur le respect.

Je ne retrace ici que MON expérience et ne prétends nullement détenir une vérité, mais comprenez qu’il est urgent de ne pas mutiler votre enfant. »

ENTRETIEN

Droit au Corps : Parler de “morceau de viande” peut être traumatisant pour un lecteur circoncis, pouvez-vous être plus précise pour que cette qualification ne soit pas gratuite ?

Marie : Oui “traumatisante”, comme l’expression “handicapé sexuel” d’ailleurs. Je pense que ces mots peuvent faire partie de la prise de conscience du véritable manque pour un homme circoncis. Sans cette prise de conscience aucune évolution n’est possible.

Vous dites : “Je réalise entre autre qu’un homme circoncis ne peut pas stimuler le point G de sa partenaire avec son pénis, ou le lui faire découvrir de cette façon si elle en ignorait l’emplacement.” N’est-ce pas un peu trop affirmatif ?

Je tente une image. Dans une grande grotte sombre j’ai caché un trésor. On ne sait ni sa taille, ni sa forme ni qu’il est en métal. Je demande à 2 hommes d’explorer la grotte sans même leur dire qu’il y a un trésor caché. Le circoncis rentre dans la grotte et n’a que ses mains pour tenter de découvrir le trésor si tant est qu’il en cherche un. L’intact lui part en exploration avec un détecteur de métaux (sans savoir que l’objet est en métal).

Bien sûr que le circoncis peut découvrir le trésor, mais l’intact a quand même un pourcentage de chance nettement plus important avec ses détecteurs que sont le prépuce et le frein.

Vous dites “Dans un sens, je considère même que cela peut être pire dans le cas de la circoncision, car l’absence de clitoris [dans le cas de l’excision] n’intervient pas dans le plaisir de l’homme”, cette affirmation d’une asymétrie homme / femme n’est-elle pas discutable ?

C’est vrai, mais le clitoris intervient à la marge dans le plaisir de l’homme.

Dire qu’un circoncis est un “handicapé” peut se montrer particulièrement traumatisant. Dans une société où la pratique de la circoncision est très ancrée dans les traditions, n’est-ce pas plutôt le non circoncis qui est un “handicapé” de l’intégration sociale ? La notion de “handicap” est relative à une certaine situation, un “handicap” n’existe pas dans l’absolu.

Tout à fait, je ne parle pas de l’handicapé de l’intégration sociale, mais de l’handicapé sexuel, celui à qui il manque une capacité par rapport à l’état naturel. Ce petit bout de peau a une utilité trop ignorée.

Merci pour ce témoignage, riche comme rarement dans le partage de l’intime.