Une étude majeure réaffirme l’importance du prépuce dans la sensation sexuelle

Une étude publiée le 19 septembre 2025 apporte un niveau de détail inédit sur l’innervation du pénis. Ces travaux confirment le rôle du prépuce dans la sensation sexuelle et relancent le débat sur la circoncision réalisée sans nécessité médicale chez l’enfant.

Photo d’illustration – PublicDomainPictures / Pixabay

Publiée dans la revue Andrology, l’étude s’intitule The sensory penis: A comprehensive immunohistological and ontogenetic exploration of human penile innervation (Le pénis sensoriel : exploration immunohistologique et ontogénétique complète de l’innervation du pénis humain). Elle a été dirigée par le Dr Alfonso Cepeda-Emiliani, devenu au cours de ces dernières années un chercheur de premier plan dans l’étude de l’innervation du pénis.

Les chercheurs ont analysé des tissus péniens depuis les premiers stades fœtaux jusqu’à l’âge adulte. Après avoir été marqués par des techniques de coloration chimique avancées pour rendre visibles les zones nerveuses, les échantillons ont été observés avec des microscopes optiques et des scanners numériques, permettant de photographier les tissus en haute résolution. L’objectif des scientifiques était de « combler les lacunes dans les connaissances anatomiques et éclairer les pratiques chirurgicales. »

Les auteurs affirment que leurs analyses présentent « une multitude de nouvelles découvertes dans divers domaines de la recherche contemporaine sur le pénis ». Ces domaines comprennent la formation et le développement des nerfs du pénis au cours de la vie (ontogénèse), l’innervation du gland et du prépuce, la localisation et l’étude des récepteurs sensoriels spécialisés, le développement et l’innervation du muscle préputial (dartos), ainsi que l’étude de la fine couche de tissu qui entoure le corps spongieux du gland.

Le delta frénulaire, une structure préputiale à l’innervation « unique »

Concernant le prépuce, les chercheurs ont notamment étudié le delta frénulaire, une zone à l’innervation « unique » située dans la région du frein. Pour mémoire, cette structure anatomique a été décrite pour la première fois par le Pr Kenneth McGrath en 2001.

« Le delta frénulaire, qui fait partie du prépuce ventral [face inférieure], ainsi que le reste du prépuce et le gland, constituent les principales zones érogènes du pénis, contenant des structures nerveuses denses essentielles à la perception du plaisir sexuel », rappellent les auteurs.

Mais le delta frénulaire se démarque : « Bien que cela puisse sembler évident pour toute personne attentive aux sensations de son pénis lors de l’activité sexuelle, notre travail valide scientifiquement l’existence d’une région anatomique ventrale du pénis qui sert de centre de sensation sexuelle, communément appelée delta frénulaire », expliquent les chercheurs. « En substance, la présence d’un centre sensoriel dans le pénis, comparable à un “point G”, apparaît comme une réalité neuroanatomique, ancrée dans ses origines embryologiques et soulignant son rôle essentiel dans la sensation, la fonction et l’expérience sexuelles. »

Les scientifiques remettent ainsi en question l’idée répandue selon laquelle le gland serait la partie du pénis la plus sensible sexuellement : « notre étude — en parallèle avec la littérature existante et l’expérience de la plupart des individus sexuellement fonctionnels — soutient un paradigme révisé dans lequel la surface ventrale distale du pénis [face inférieure, proche du gland], en particulier le delta frénulaire et la région environnante, constitue le principal centre neurologique de la sensation sexuelle du pénis. »

Ces conclusions confirment entre autres les résultats de l’équipe du Dr Morris Sorrells, qui en 2007 avait mesuré pour la première fois la sensibilité du pénis au toucher fin et observé que les zones les plus sensibles se situent sur le prépuce.

Tirées de l’étude, ces illustrations introductives montrent l’innervation du delta frénulaire et l’organisation microanatomique du gland et du prépuce. Les photographies au microscope, de même que le texte de l’étude, sont accessibles librement sur cette page.
Dessins : Alejandro García-Pérez 2025 (A, B), Radivoj V. Krstić 1991 (C).

Sans nécessité médicale, la circoncision des enfants « ne peut être tolérée »

Évidemment, cette nouvelle étude contribue à enrichir le débat sur la circoncision, pratique qui entraîne de fait une perte de sensibilité, le delta frénulaire étant supprimé en grande partie voire en totalité (entre autres conséquences).

« Nos résultats renforcent la pertinence des conclusions de Cold et Taylor (1999), qui semblent aujourd’hui plus pertinentes que jamais », déclarent les chercheurs avant de citer leur prédécesseurs, des pionniers dans l’étude du prépuce :

« Le prépuce est un tissu érogène spécifique et spécialisé, tant chez l’homme que chez la femme [voir prépuce clitoridien]. Par conséquent, son excision chirurgicale ne devrait être envisagée que pour des lésions ne répondant pas au traitement médical. […] 

Une plastie préputiale devrait être envisagée à la place de la circoncision chaque fois que possible, afin de préserver les récepteurs sensoriels corpusculaires [spécialisés], le muscle dartos, la muqueuse pénienne et la fonction complète du pénis. […] 

Bien qu’une circoncision féminine de grade 1 selon l’échelle de Fourcroy exciserait moins de tissu que chez un homme, cette comparaison ne saurait en aucun cas justifier la circoncision féminine. 

L’excision de tissu génital normal et érogène chez des enfants en bonne santé, garçons ou filles, ne peut être tolérée, car l’histologie [étude des tissus] confirme que les organes génitaux externes sont des tissus sensoriels spécialisés. […] 

L’ablation d’une partie normale de l’anatomie génitale chez les nourrissons et les enfants devrait être différée jusqu’à ce que l’individu soit en mesure de prendre une décision éclairée. 

Si un tissu génital externe doit être excisé pour combattre une affection mettant en danger la santé de l’enfant et ne répondant pas au traitement médical, alors la quantité de tissu retirée devrait être limitée de façon à préserver l’anatomie et la fonction des organes génitaux externes. »

Par ailleurs, les scientifiques espèrent que leurs travaux permettront de mieux informer toutes les personnes concernées par la circoncision. « Les résultats de cette étude […] devraient être intégrés aux discussions et aux documents de consentement éclairé afin d’assurer un accompagnement complet des parents envisageant l’intervention pour leurs enfants, ainsi que des individus considérant une circoncision à l’âge adulte », estiment-ils.

Et dans le cas où une circoncision est réalisée, les chercheurs mettent en garde : « Étant donné que la région du delta frénulaire est largement considérée comme un contributeur principal à la sensation sexuelle pénienne, une attention particulière doit être portée aux incisions ventrales [sur la face inférieure] afin d’éviter d’endommager la neuroanatomie dense et complexe de cette zone. »

« Nos travaux offrent des éclairages précieux aux chirurgiens spécialisés dans le pénis, en leur apportant une compréhension approfondie des tissus qu’ils résèquent, cautérisent et mobilisent couramment — des tissus finement innervés et d’une grande complexité structurelle, dont la richesse nerveuse est souvent sous-estimée ou négligée », concluent les auteurs sur ce sujet.

Des études en cours sur la vulve et le clitoris

Bonne nouvelle : les chercheurs ne comptent pas s’arrêter à l’étude du pénis. « Des études sur la neuroanatomie sexuelle vulvaire et clitoridienne sont en cours dans notre laboratoire », annoncent-t-ils. « Bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans l’élucidation de la neuroanatomie du pénis, la neuroanatomie et la morphologie vulvaires restent largement sous-explorées, laissant d’importantes lacunes dans notre compréhension de leur rôle dans la fonction et l’expérience sexuelles. »

Dans la dernière phrase de leur très riche article, les auteurs partagent leur espoir de « faire la lumière sur ce qui a été négligé, mal compris ou délibérément ignoré. » Un rappel cinglant que les organes sexuels sont parfois encore mal représentés et décrits, en particulier le clitoris et le prépuce, que ce soit dans les livres médicaux, les manuels scolaires ou les ouvrages d’éducation sexuelle.

Droit au Corps partage le même espoir que ce groupe scientifique et invite tous les professionnels de santé, les psychologues, les sexologues et autres, à diffuser cette étude dans leurs réseaux. De même, notre association appelle tous les professionnels à adopter une éthique cohérente en ce qui concerne les modifications génitales imposées aux enfants.

Source : Cepeda-Emiliani A, Otero-Alén M, Suárez-Quintanilla J, et al. The sensory penis: A comprehensive immunohistological and ontogenetic exploration of human penile innervation. Andrology. 2025; 1-41. https://doi.org/10.1111/andr.70118 [PDF]


Note : lors du 27e congrès de l’Association mondiale pour la santé sexuelle, qui s’est tenu en juin 2025 à Brisbane (Australie), le Dr Cepeda-Emiliani a donné une présentation sur la neurotomie pénienne, une autre pratique controversée. Plus d’informations dans cet article du GALDEF et dans le diaporama de la présentation.