« Je ne voulais pas que mon fils souffre, c’était hors de question qu’il soit circoncis », témoigne Samir

Samir* a été circoncis enfant, mais il a choisi de ne pas faire circoncire son fils. Dans ce témoignage, il explique sa décision, raconte les tensions que cela a engendré, et donne des conseils aux parents qui se questionnent sur le sujet.

* le prénom a été changé

Image d’illustration

Témoignage de Samir

Je viens d’une famille musulmane, confession où la circoncision est la norme. J’ai donc été circoncis entre ma naissance et mes deux ans, je ne sais pas quand exactement. Cela s’est passé dans un centre médical, en France. Je n’ai pas l’impression que ça ait eu de grosses séquelles dans ma vie et je n’y avais jamais réfléchi plus que ça.

Puis il y a quelques années, j’ai eu un enfant avec ma femme. Dès qu’on a su que c’était un garçon, le sujet de la circoncision a refait surface. Je me suis d’abord demandé si c’était recommandé médicalement ou pas, car j’avais entendu tout et son contraire. Lorsque j’ai posé la question aux médecins, ils m’ont répondu que ça n’était pas recommandé. Ce que je trouve dommage, c’est que si je ne leur avais pas parlé moi-même du sujet, ils ne l’auraient jamais abordé. Je peux comprendre, car ça n’est pas une pratique culturelle en France, mais il faut être réaliste : c’est une question qui se pose pour beaucoup de parents aujourd’hui. Donc je pense que les médecins devraient prendre les devants et dire aux parents que ça n’est pas recommandé.

Parallèlement, j’ai eu une discussion avec ma mère qui m’a expliqué qu’elle et mon père n’avaient pas voulu me faire circoncire, mais qu’ils avaient fini par le faire à contre-coeur sous la pression de l’entourage qui soutenait à l’époque que c’était pour des raisons d’hygiène en plus d’une coutume religieuse. Elle m’a dit qu’elle ne voulait pas que je répète cette erreur avec mon fils.

Avant d’y réfléchir pour mon enfant, je voyais la circoncision comme quelque chose d’anodin. Pour moi, c’était comme l’opération des amygdales. Je trouve dommage de ne jamais avoir entendu parler de ce sujet à l’école, car il y a beaucoup de jeunes qui se posent des questions et ne trouvent pas réponse.

J’ai donc fait mes propres recherches sur l’aspect scientifique et j’ai vite compris que ça n’était effectivement pas médicalement recommandé (sauf très rares exceptions). Il était alors évident pour moi que je n’allais pas faire circoncire mon fils.

Les choses ont été plus compliquées pour ma femme. Comme moi, elle est originaire d’un pays où la circoncision est la norme pour raison religieuse ou traditionnelle. Même si nous sommes libéraux, il y a des choses qui restent ancrées, c’était le cas pour la circoncision qui représentait quelque chose d’important pour ma femme. Il y avait des arguments tels que : « les gens le font dans notre religion », « mon père est circoncis, tu es circoncis, notre fils doit l’être aussi », « il faut le faire pour des raisons d’hygiène », etc. Pour elle, il y avait comme un affrontement entre occidentaux d’un côté, opposés à la circoncision, et orientaux de l’autre, favorables à la circoncision.

C’était parfois un sujet de tension entre nous. Pour moi, c’était catégorique : je ne voulais pas que mon fils souffre, c’était hors de question qu’il soit circoncis s’il n’y aucun intérêt médical. C’est le seul sujet entre nous sur lequel j’ai été strict dès le départ. 

Puis est venue la rencontre avec votre association au Salon Baby. Ce fut d’un grand soutien et d’une grande utilité, et ça a permis à ma femme de rencontrer des personnes qui pouvaient témoigner directement de leurs souffrances. J’ai pu trouver des arguments qui l’ont fait réfléchir et, même si elle se pose parfois encore des questions, elle comprend maintenant pourquoi je ne veux pas que notre fils soit circoncis et elle me fait confiance sur cette question. Elle sait que je fais au mieux pour notre enfant.

Les arguments qui ont le plus touchée ma femme sont les suivants : 

  • le fait que la circoncision peut faire souffrir : cet argument seul n’a pas suffit, mais il a fait son chemin et l’a amenée à une prise de conscience ;
  • le flyer Circoncision : est-ce que le Coran l’approuve ? : cet argumentaire religieux a été fort pour elle, au delà de l’argumentaire scientifique ;
  • le fait qu’il y ait, au sein de la communauté musulmane, des figures scientifiques et des intellectuels qui s’opposent à la circoncision, comme le Professeur Mohamed Fahmy qui soutient votre association.

Parfois elle revient un peu sur le sujet, par exemple quand quelqu’un de sa connaissance fait circoncire son fils. Je réponds alors : « eh bien laissons notre fils grandir, il décidera par lui-même de ce qu’il veut plus tard. » Globalement ça va donc beaucoup mieux, elle accepte qu’on ne le fasse pas. Je dirais que son processus de réflexion s’est étalé sur un an.

Quoi qu’il en soit, j’aurai fait mon devoir de papa : protéger mon fils jusqu’au bout, tant qu’il ne peut pas consentir ou refuser de lui-même. Et quand il sera grand, il fera ce qu’il veut de son corps. Ce qui prime avant tout, c’est le bonheur de mon enfant.

Aux parents qui se poseraient la question de faire circoncire leur fils, voici mes conseils : 

  • n’écoutez pas la famille, c’est votre fils et votre décision avant tout ;
  • faites-vous votre propre opinion : consultez des avis extérieurs, consultez la littérature scientifique ;
  • cherchez au sein de votre communauté les arguments de ceux qui sont contre la circoncision, comme Quranic Path ou Brit Shalom l’Alliance sans Souffrance.

En tant que jeune père de confession musulmane, je pense qu’une réponse multi factorielle est nécessaire : il y a la science qui nous informe des problèmes de la circoncision, mais il faut aussi des arguments religieux qui vont contre (voir exemples dans le dernier tiret ci-dessus).

On ne pourra jamais empêcher tous les parents de faire circoncire leur fils, mais il faut au moins qu’ils soient informés correctement avant de prendre une décision. Il faut être conscient de pourquoi on fait les choses, il ne faut plus que les gens disent « je ne savais pas » ou qu’ils pensent faussement que cela est bon pour l’hygiène. Les gens pratiquent la circoncision parce qu’ils suivent la religion, la culture, la tradition… mais ils ne sont pas informés. S’ils s’informent, alors ils réaliseront que la circoncision est douloureuse, sans intérêt médical et peut créer des souffrances durables. C’est bien pour cela qu’il y a un problème, car si c’était indolore et que ça n’avait aucune conséquence, on s’en ficherait. Les irréductibles qui continueront à pratiquer la circoncision le feront alors en connaissance de cause, ils ne pourront pas dire que c’est pour le bonheur ou la santé de leur fils. 

De mon côté, c’est vrai que ça a été plus facile car je n’ai pas eu cette pression familiale ou ce risque d’être rejeté : mes parents n’étant pas de base pour la pratique, je n’ai pas eu à les confronter.

Je pense donc que l’information et la sensibilisation sont primordiales, comme vous le faites au Salon Baby.

Note de Droit au Corps : liens insérés dans le texte par nous.